Face à une dégradation alarmante du système de protection de l’enfance, la Défenseure des droits, Claire Hédon, interpelle l’État et appelle à des mesures urgentes. Dans une décision publiée ce jeudi, elle formule plus d’une trentaine de recommandations pour améliorer le financement, le suivi judiciaire et la prévention. Elle exige du gouvernement un retour sur les actions mises en place dans un délai de quatre mois.
Le constat est sévère. Malgré des alertes répétées, la situation continue de se détériorer, avec des conséquences directes sur les enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. En 2022, plusieurs magistrats spécialisés ont fait état de « lourdes défaillances » du dispositif, dénonçant des retards judiciaires préoccupants, un manque de moyens criant et des solutions d’hébergement inadaptées. Le décès de Lily, une adolescente de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel où elle avait été placée faute de solution stable, illustre dramatiquement ces insuffisances.
Le financement de la protection de l’enfance est un des points centraux du rapport. Depuis la décentralisation des années 1980, les départements sont responsables de cette mission mais peinent à faire face aux charges croissantes. La Défenseure des droits demande à l’État d’augmenter significativement les budgets alloués aux solidarités et de compenser les nouvelles obligations imposées aux collectivités locales.
L’insuffisance des moyens alloués à la justice est également mise en cause. Les délais d’audiencement sont jugés inacceptables, les enquêtes sociales trop longues et le manque de professionnels entrave la capacité des juges à protéger les enfants en danger. Ce retard dans les décisions compromet leur sécurité et leur stabilité.
La prévention est un autre enjeu majeur. La Défenseure des droits recommande de renforcer la présence des assistants sociaux en milieu scolaire, y compris dans les écoles élémentaires. Elle plaide aussi pour l’intégration de modules de formation sur la protection de l’enfance et la lutte contre les violences dans les cursus des enseignants.
L’accès aux soins en santé mentale pour les enfants suivis par la protection de l’enfance est également un motif d’inquiétude. Nombre d’entre eux souffrent de troubles liés à des traumatismes précoces et subissent de multiples ruptures de parcours. L’appel est lancé pour généraliser les unités d’accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED), qui permettraient une prise en charge plus adaptée.
La question des jeunes majeurs sortant du système est aussi soulevée. Trop souvent livrés à eux-mêmes, ils se retrouvent dans une grande précarité sans accompagnement adapté. Il est essentiel, selon le rapport, de leur assurer un soutien à la hauteur de leurs besoins pour faciliter leur autonomie.
Le cas des mineurs non accompagnés reste une source de tensions entre l’État et les départements, ces derniers étant débordés par l’afflux de jeunes isolés. La Défenseure des droits appelle à une meilleure coordination entre préfectures et collectivités territoriales pour ajuster les dispositifs d’accueil et garantir un traitement digne et équitable.
Avec près de 390.000 enfants concernés et un secteur en crise, marqué par une pénurie de professionnels et un manque de structures adaptées, la Défenseure des droits sonne une nouvelle fois l’alarme. Reste à voir si l’État prendra des mesures à la hauteur des enjeux.