Procès Samuel Paty : les aveux glaçants de l’adolescente au cœur du drame

26 novembre, 2024 / Entrevue

À la barre de la cour d’assises spéciale de Paris, Nina (prénom modifié), 17 ans, s’est exprimée mardi, reconnaissant ses responsabilités dans la chaîne d’événements ayant conduit à l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020. Les « mensonges répétés » de la jeune fille, alors âgée de 13 ans, avaient alimenté une polémique qui a coûté la vie au professeur d’histoire-géographie.

D’un ton mesuré et une voix basse, vêtue d’une tenue sobre – jupe plissée, chemise blanche et gilet noir – Nina s’est excusée auprès de la famille de Samuel Paty : « J’aimerais m’excuser auprès de la famille. J’ai détruit votre vie, je suis désolée », a-t-elle déclaré, des sanglots dans la voix. Elle a également reconnu avoir menti à ses parents pour expliquer son exclusion de deux jours du collège pour absences injustifiées et indiscipline.

Un mensonge aux lourdes conséquences

En octobre 2020, Nina avait raconté à ses parents que Samuel Paty l’avait exclue d’un cours après qu’elle s’était opposée à la diffusion de caricatures du prophète Mahomet. Une version entièrement inventée : l’adolescente n’avait même pas assisté à ce cours. Sous « stress » et par crainte de représailles familiales, elle avait soutenu cette version face à sa famille et, plus tard, dans une vidéo réalisée par Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste.

Cette vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, avait mis Samuel Paty au centre d’un torrent de haine en ligne, notamment après que le père de Nina, Brahim Chnina, avait publié des messages accusant le professeur d’« islamophobie ». Brahim Chnina, également dans le box des accusés, risque jusqu’à 30 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste.

« Je ne gérais plus mon mensonge »

Durant son témoignage, Nina a expliqué avoir été dépassée par l’ampleur de son récit : « Je pensais que quelqu’un allait m’arrêter dans mon mensonge, mais personne ne l’a fait. Tout le monde me croyait, et je ne gérais plus rien », a-t-elle confié.

Ce n’est qu’après 30 heures de garde à vue qu’elle avait fini par avouer ses mensonges. Cependant, ces révélations tardives n’ont pas pu empêcher le drame : le 16 octobre 2020, Samuel Paty a été assassiné et décapité par Abdoullah Anzorov, un jeune réfugié radicalisé.

Un témoignage sous haute tension

Si Nina exprime aujourd’hui des regrets, son témoignage suscite des interrogations. Me Virginie Le Roy, avocate de la famille Paty, s’est dite sceptique face aux déclarations changeantes de l’adolescente. « Il y a un an, elle accusait son père de manipulation. Aujourd’hui, elle affirme être seule responsable. Il ne faut pas se moquer du monde », a-t-elle déclaré.

Face à ces accusations, Nina a également exprimé sa culpabilité envers son père. « À cause de mon mensonge, on se retrouve tous ici. Je m’excuse auprès de ma famille », a-t-elle sangloté. Elle a insisté sur la « naïveté » de son père, qu’elle aurait manipulée pour éviter de se faire gronder.

Condamnée en décembre 2023 à 18 mois de prison avec sursis probatoire pour dénonciation calomnieuse, Nina tente de reprendre une vie normale, loin de sa famille. Mais son rôle dans cette affaire reste un point central du procès qui vise à déterminer les responsabilités des adultes impliqués.

Ce procès met en lumière les rouages complexes d’une mécanique de haine qui a mené à l’assassinat de Samuel Paty. Si les regrets exprimés par Nina apparaissent sincères, ils ne suffiront pas à effacer les conséquences de ses mensonges. Quant à la justice, elle devra déterminer la part de responsabilité de chaque accusé dans ce drame national.