C’est l’un des procès les plus embarrassants pour le patrimoine national qui s’ouvre ce mardi 25 mars au tribunal de Pontoise. À la barre : six prévenus, dont deux figures majeures du monde des antiquités, accusés d’avoir fabriqué et écoulé de faux meubles du XVIIIᵉ siècle… jusqu’au château de Versailles lui-même.
Parmi les prévenus, l’expert Bill Pallot – auteur de l’ouvrage de référence sur le mobilier royal – et l’ébéniste Bruno Desnoues, Meilleur ouvrier de France. Entre 2007 et 2015, les deux hommes auraient orchestré une véritable opération de mystification : à partir de carcasses d’époque, ils ont conçu des copies si parfaites qu’elles ont dupé musées, collectionneurs prestigieux – dont un prince du Qatar et l’héritier Hermès – mais aussi la galerie parisienne Kraemer, elle-même aujourd’hui poursuivie.
C’est une enquête de la cellule Tracfin sur un couple portugais au train de vie suspect qui a, en 2014, mis la puce à l’oreille des autorités. En remontant la piste financière, les enquêteurs découvrent que le mari travaille avec Desnoues. L’affaire éclate : des fauteuils attribués à Louis Delanois ou Jean-Baptiste Sené, vendus comme des trésors nationaux, sont en réalité des faux méticuleusement réalisés.
Le préjudice est autant financier que symbolique. Outre des centaines de milliers d’euros envolés, c’est la réputation du château de Versailles, de maisons d’enchères comme Sotheby’s, et plus largement de l’excellence patrimoniale française, qui vacille. « C’est un tort considérable à la France », fustige l’avocat de la succession Guerrand-Hermès, victime du scandale.
Si certains prévenus affirment que leur démarche relevait presque du défi intellectuel, la justice, elle, retient les chefs de « tromperie », « blanchiment de fraude fiscale » ou encore « tentative d’escroquerie ». Le procès, qui s’étendra jusqu’au 4 avril, promet de lever le voile sur les dérives d’un marché de l’art parfois trop confiant dans les signatures les plus prestigieuses.