Pression électorale : Justin Trudeau révise sa doctrine sur l’immigration

Entrevue 1

Le Canada fait face à une situation économique difficile, avec un taux de chômage grimpant à 6,6 % et une crise du logement qui s’intensifie. Dans ce contexte, le Premier ministre Justin Trudeau, longtemps défenseur d’une politique d’immigration ouverte, opère un changement significatif dans sa doctrine. Lors d’une déclaration le 26 août, il a affirmé que le pays devait réduire sa dépendance à la main-d’œuvre étrangère, un virage surprenant pour un leader qui a établi des records d’accueil d’immigrants.

Une nouvelle politique d’immigration

À partir de septembre 2024, les employeurs canadiens ne pourront plus recruter de travailleurs étrangers temporaires à bas salaire dans des régions où le taux de chômage dépasse 6 %, sauf dans des secteurs spécifiques comme l’agriculture. Cette mesure pourrait entraîner une réduction de plus de 60 000 travailleurs temporaires l’année prochaine, alors que près de 240 000 avaient été acceptés en 2023.

Trudeau, qui avait auparavant mis l’accent sur l’immigration comme moteur de la croissance économique, annonce également des révisions possibles aux quotas d’immigration permanente. Ce revirement est particulièrement frappant étant donné que son gouvernement a accueilli plus de 431 000 nouveaux résidents permanents en 2022 et vise d’en accueillir 1,45 million d’ici 2026.

Les raisons de ce changement

Le chômage, qui avait atteint des niveaux historiquement bas, est de nouveau en hausse, surtout parmi les jeunes, avec un taux dépassant les 13 %. De plus, le Canada connaît une crise du logement sans précédent, avec un taux d’inoccupation au plus bas. Les loyers ont augmenté de 8 %, et la pression sur les logements abordables s’intensifie. Le gouvernement espère que la réduction du nombre de résidents temporaires contribuera à soulager ce marché immobilier tendu.

Ce changement de cap est aussi une réponse aux critiques croissantes de l’opposition conservatrice, dirigée par Pierre Poilievre, qui accuse Trudeau d’être responsable de la crise du logement. Les conservateurs, qui dominent les sondages, plaident également pour une réduction des seuils d’immigration.

Les experts s’inquiètent toutefois de cette approche. Julia Posca, chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, souligne que le programme des travailleurs étrangers temporaires est conçu pour répondre aux besoins du marché du travail, qui demeure largement non satisfait.

Un enjeu électoral

Avec des élections fédérales prévues pour 2025, ce revirement peut être vu comme une manœuvre stratégique pour regagner des points auprès d’une population de plus en plus inquiète. Les récents sondages montrent un changement d’opinion, un Canadien sur deux estimant qu’il y a trop de nouveaux arrivants.

Pour Paul Journet, chroniqueur au quotidien « La Presse », cette situation met en lumière un décalage entre la perception du public et les politiques du gouvernement. Les Canadiens, en particulier dans les grandes villes, commencent à relier l’immigration à des problèmes concrets comme la hausse des loyers et la pénurie de logements.

Justin Trudeau semble réagir aux réalités économiques et politiques pressantes qui entourent son administration. En révisant sa politique d’immigration, il espère apaiser les tensions croissantes et éviter une défaite électorale imminente. Cependant, il devra naviguer entre les attentes de ses partisans et les besoins pressants du marché du travail canadien, tout en faisant face à une opposition de plus en plus virulente. Les mois à venir seront décisifs pour l’avenir politique de Trudeau et sa vision de l’immigration au Canada.

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