Présidentielle en Roumanie : une percée nationaliste en vue ?

24 novembre, 2024 / Entrevue

Les Roumains se rendent aux urnes ce dimanche 24 novembre pour le premier tour de l’élection présidentielle, un scrutin marqué par un climat social tendu et des perspectives de bouleversements politiques. Parmi les 13 candidats en lice, George Simion, leader du parti nationaliste AUR (Alliance pour l’unité des Roumains), pourrait accéder au second tour prévu le 8 décembre. Une éventualité qui serait un séisme politique pour ce pays d’Europe de l’Est, membre loyal de l’Union européenne et de l’Otan.

Selon les sondages, Marcel Ciolacu, 56 ans, actuel Premier ministre social-démocrate (PSD), domine avec 25 % des intentions de vote. Face à lui, George Simion, 38 ans, crédité de 15 à 19 %, émerge comme le principal rival. Ce dernier a construit sa campagne sur un discours enflammé, teinté de mysticisme et de thèses conspirationnistes, profitant de la colère d’une population affectée par une inflation élevée (10 % en 2023, 5,5 % attendus en 2024). Alors que le poste de président est largement protocolaire, cette élection pourrait marquer un virage nationaliste pour ce pays de 19 millions d’habitants, contrastant avec sa tradition pro-européenne. Depuis la chute du communisme en 1989, la Roumanie avait résisté à la montée des postures nationalistes qui gagnent ses voisins, comme la Hongrie ou la Slovaquie.

George Simion, souvent aperçu portant une casquette siglée « Trump », affiche une admiration pour l’ancien président américain et s’inscrit dans une dynamique ultra-conservatrice européenne. Opposé à l’aide militaire à l’Ukraine, critiquant la « corruption » de Bruxelles et les droits des minorités LGBT+, il défend une vision d’une Roumanie « plus patriote ». Ses prises de position, radicales et controversées, polarisent une partie de l’électorat, notamment en milieu rural. Pour Cristian Parvulescu, politologue roumain, « la démocratie roumaine est en danger pour la première fois depuis la fin du communisme ». Il anticipe également un possible effet de contagion pour le parti AUR lors des législatives prévues le 1er décembre.

Marcel Ciolacu, représentant d’un PSD historiquement puissant mais entaché par de multiples scandales de corruption, se positionne comme un homme de stabilité. Autodidacte et humble, il s’efforce de séduire un électorat fatigué des turbulences politiques. Son expérience de chef du gouvernement et sa gestion d’une coalition avec les libéraux du PNL pourraient lui offrir un avantage face à l’imprévisibilité de Simion.

En troisième position, Elena Lasconi, 52 ans, ancienne journaliste devenue maire d’une petite ville, incarne une alternative crédible. À la tête d’un parti de centre droit, elle séduit par son image de probité et pourrait créer la surprise en rassemblant les voix d’un électorat en quête de changement.

La Roumanie, frontalière de l’Ukraine et acteur clé du transit des céréales ukrainiennes via la mer Noire, joue un rôle stratégique au sein de l’Otan, accueillant plus de 5 000 soldats de l’Alliance. Le pays doit également composer avec une économie ralentie et un déficit public record. Ces défis ajoutent une pression supplémentaire sur l’issue du scrutin.

Les bureaux de vote ferment à 21h00 (19h00 GMT), et les premières estimations des résultats seront connues dans la soirée. Si George Simion accède au second tour, le paysage politique roumain pourrait s’en trouver profondément bouleversé, avec des répercussions bien au-delà de ses frontières.