Présidentielle américaine 2024 : Kamala Harris et le défi du vote arabo-américain

22 octobre, 2024 / Entrevue

À moins d’un mois de l’élection présidentielle américaine de 2024, la vice-présidente Kamala Harris fait face à un défi de taille : regagner la confiance de la communauté arabe et musulmane, particulièrement au Michigan, un État pivot. Ces électeurs, historiquement acquis au Parti démocrate, se disent de plus en plus mécontents de la politique étrangère de l’administration Biden, notamment concernant la gestion du conflit israélo-palestinien et l’escalade de la violence au Liban.

Lors d’une récente rencontre avec des leaders arabes et musulmans à Dearborn, ville qui abrite la plus grande population musulmane par habitant aux États-Unis, Mme Harris a été interpellée sur la livraison d’armes américaines à Israël. Selon des témoins, elle aurait laissé entendre qu’une approche différente pourrait être envisagée si elle était élue présidente, mais plusieurs participants sont repartis avec l’impression que ce positionnement n’était pas suffisant pour apaiser leurs inquiétudes.

Wa’el Alzayat, directeur du groupe Emgage Action, a déclaré : « Les gens veulent davantage l’entendre parler des conditions dans lesquelles les armes américaines sont livrées à Israël. » Si ce groupe a décidé de soutenir Harris, son soutien à Biden avait été plus hésitant, reflétant le malaise croissant dans la communauté. La situation est d’autant plus délicate que l’offensive israélienne au Liban, visant le Hezbollah, accentue la pression sur la candidate dans cet État à forte population libanaise.

Un soutien à Israël qui divise

Le soutien inébranlable de Kamala Harris à Israël, aligné sur la position de Joe Biden, est vu par de nombreux Arabes américains comme un obstacle majeur. Si Harris a montré plus d’empathie que le président concernant la crise humanitaire à Gaza, elle a néanmoins rejeté les appels à un embargo sur les armes destinées à Israël, ce qui lui a valu des critiques acerbes, notamment lors de la Convention nationale démocrate, où un orateur palestinien n’a pas été invité à s’exprimer, contrairement à une famille d’otages israéliens.

Cette posture a alimenté un sentiment de trahison chez une partie de la communauté arabe-américaine, exprimé notamment par Abdullah Hammoud, maire de Dearborn : « Aujourd’hui, tout le monde a connu quelqu’un qui a été tué, blessé ou déplacé. Le sentiment de trahison est de plus en plus grand. »

Des voix en danger pour les démocrates

Les sondages indiquent que le scrutin sera serré dans le Michigan, un État que Biden a remporté en 2020 avec une faible avance après que Trump l’ait gagné en 2016. Mais la colère croissante envers la politique étrangère américaine menace de redistribuer les cartes. Selon Sam Baydoun, commissaire du comté de Wayne, « Si l’élection avait lieu aujourd’hui, la vice-présidente Harris n’obtiendrait pas cinq voix de la part des Arabes américains de Dearborn. »

L’équipe de campagne de Harris a intensifié ses efforts pour reconquérir cet électorat, multipliant les échanges avec les leaders communautaires et lançant une campagne médiatique ciblée. Toutefois, ces initiatives n’ont rencontré qu’un succès mitigé. Certains leaders arabes appellent encore à soutenir Harris pour éviter le retour de Donald Trump, tandis que d’autres électeurs envisagent de voter pour des candidats tiers comme Jill Stein ou Cornel West, tous deux propalestiniens.

L’enjeu est de taille, non seulement pour Kamala Harris, mais pour les démocrates en général. Le Michigan, avec sa forte population arabe-américaine, pourrait basculer en faveur de Donald Trump si l’insatisfaction de ces électeurs se traduit par une baisse de la participation ou un vote pour des candidats tiers. En 2016, l’abstention massive avait déjà contribué à la victoire de Trump dans cet État.

Pour Harris, il s’agit non seulement de défendre la politique étrangère de l’administration Biden, mais aussi de convaincre un électorat déçu que les enjeux nationaux, tels que l’économie, l’immigration et les droits reproductifs, sont tout aussi cruciaux dans cette élection. Mais avec des électeurs indécis de plus en plus nombreux, notamment dans les primaires démocrates du Michigan, l’équilibre reste fragile.