Presence : Steven Soderbergh nous place dans la peau d’un fantôme

Entrevue 1

Avec Presence, Steven Soderbergh propose un film d’épouvante singulier, où le spectateur adopte littéralement le point de vue d’un esprit invisible. À travers cette approche radicale, le cinéaste joue avec les codes du genre et plonge dans les névroses d’une famille américaine en apparence parfaite. Derrière l’histoire classique d’une maison hantée, Presence explore des thématiques plus profondes : le deuil, les tensions familiales et la pression sociale.

L’intrigue s’ouvre sur une maison vide, filmée en un long plan-séquence hypnotique, juste avant l’arrivée des nouveaux propriétaires. Rebekah (Lucy Liu), son mari Chris (Chris Sullivan) et leurs deux enfants, Tyler et Chloe, semblent mener une vie idéale. Mais rapidement, la jeune Chloe ressent une présence étrange, qu’elle associe à la mort récente de sa meilleure amie. Tandis que la maison se fait l’écho des non-dits et des blessures du passé, le fantôme, d’abord simple spectateur, devient un acteur silencieux du drame qui se noue. Soderbergh détourne ainsi le film de hantise pour livrer une réflexion sur la psychologie d’une famille gangrenée par l’ambition dévorante d’une mère et la passivité d’un père.

La mise en scène de Presence est d’une maîtrise absolue. Filmé en caméra subjective, du point de vue du fantôme, le long-métrage joue sur les variations de focales, les transitions au noir et un montage précis, signé par Soderbergh lui-même sous son pseudonyme habituel, Mary Ann Bernard. Comme il l’avait fait avec Paranoïa (2018), tourné à l’iPhone, le réalisateur expérimente avec le médium pour mieux impliquer le spectateur. Huis clos oppressant, réflexion sur l’invisible et manipulation subtile des attentes du public, Presence confirme que Soderbergh reste un cinéaste audacieux, capable de renouveler les genres les plus codifiés.

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