Sorti récemment en France, Juré n°2, le dernier film de Clint Eastwood, connaît un beau succès dans les salles françaises, bien différent de son accueil aux États-Unis. Distribué sur 448 écrans en France, le film a attiré plus de 385 000 spectateurs en quelques jours, tandis qu’il n’est visible que sur 35 écrans aux États-Unis, avec seulement 90 000 dollars de recettes. « Au départ, Warner Bros. prévoyait de sortir Juré n°2 directement en streaming », confie Philippe Rouyer, critique et codirecteur de la revue Positif. Finalement, il a été diffusé dans un nombre limité de salles, une décision qui, selon les spécialistes, vise à assurer son éligibilité aux Oscars avant une diffusion en ligne, probablement sur Max.
Cette stratégie reflète les différences culturelles entre les marchés cinématographiques français et américain, ainsi que l’évolution des préférences des studios. Aux États-Unis, où les plateformes de streaming et un public jeune sont privilégiés, Clint Eastwood n’est plus une priorité. « À Hollywood, on juge la pertinence d’un réalisateur selon les scores de ses derniers films », explique Philippe Rouyer. Depuis le succès d’American Sniper en 2015, Eastwood n’a pas rencontré la même faveur dans les salles américaines, notamment avec Cry Macho en 2021, un flop aux États-Unis malgré un certain succès d’estime.
En France, en revanche, Clint Eastwood reste une figure admirée, considéré autant par la critique que par le grand public comme un auteur important. « La France a été le premier pays à reconnaître son statut d’auteur, et ses films sont toujours bien accueillis ici », rappelle Philippe Rouyer. Aux États-Unis, bien que Juré n°2 ait reçu des critiques positives de médias influents comme The New Yorker et Rolling Stone, les experts restent sceptiques sur ses chances de percer aux Oscars. Pour les cinéphiles français, ce film renforce encore l’héritage du réalisateur de 94 ans, qui continue d’explorer des thématiques complexes malgré l’évolution rapide de l’industrie cinématographique.