Malgré la censure du gouvernement Barnier, le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, écarte tout scénario de chaos mais alerte sur la nécessité d’éviter un enfoncement économique et politique de la France.
Intervenant ce dimanche sur LCI, Pierre Moscovici a livré son analyse de la situation politique et économique actuelle, marquée par la censure du gouvernement Barnier et des indicateurs budgétaires préoccupants. Selon lui, la censure n’est « ni une catastrophe ni anodine ». Bien que les marchés financiers aient réagi avec calme – l’écart de taux (« spread ») entre la France et l’Allemagne ayant légèrement diminué – il estime que la situation reste surveillée. « Notre crédit est sans doute atteint. On se dit que la France est entrée dans une phase d’incertitude politique, mais sans pour autant tomber dans le chaos », a-t-il déclaré.
Une dette trop importante au cœur des inquiétudes
Pour Moscovici, la principale menace n’est pas celle d’une crise politique brutale mais plutôt d’un lent affaiblissement. « Ce que je crains beaucoup plus, c’est une forme d’enfoncement », a-t-il expliqué, mettant en avant une dette publique qu’il juge excessive et qui « empêche la France d’agir ». Selon lui, cette dette pourrait conduire à « une perte de crédibilité progressive », faisant glisser la France « doucement hors des radars » internationaux.
Le gouvernement Barnier s’était fixé pour objectif de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2024, mais les dernières prévisions tablent désormais sur un déficit de 6,1 %, bien au-dessus des attentes initiales de 4,4 %. Moscovici insiste sur la nécessité pour le prochain gouvernement de viser une réduction significative du déficit, en ramenant ce dernier à 5 % ou moins. « Cela permettra à la France de retrouver une capacité à agir dans le futur », a-t-il souligné.
Face à l’absence de budget validé, une « loi spéciale » devrait être adoptée pour assurer la continuité des services publics. Celle-ci, par nature limitée, ne permettra pas de combler le déficit. « Il est probable que le déficit reste autour de 6 %, peut-être légèrement en dessous », a estimé Moscovici. Il appelle néanmoins à un effort pour adopter un budget plus structuré dans les mois à venir.
Récession ou ralentissement ?
Interrogé sur les propos du président du Medef, Patrick Martin, qui estime que la France est déjà entrée en « légère récession », Moscovici se montre plus mesuré. « Je n’ai pas la sensation que nous soyons en récession, mais il est certain que la pente est devenue plus sévère », a-t-il reconnu, tout en appelant à la vigilance.
Au-delà des défis immédiats, Pierre Moscovici insiste sur la nécessité de rétablir la crédibilité économique et politique du pays, dans un contexte d’incertitude croissante. « Nous ne sommes pas menacés par une situation à la grecque », a-t-il affirmé, mais sans une gestion rigoureuse des finances publiques, la France risque de perdre progressivement sa capacité d’influence.