Philippe Risoli : « Même le jour de ma mort, je n’aurai jamais le fin mot de l’histoire sur les raisons de mon éviction de TF1! »
Dans les années 1990, Philippe Risoli a été la star de TF1, en animant des émissions cultes telles que Jeopardy !, Millionnaire et bien sûr Le Juste Prix. Malgré une forte popularité, l’animateur a brutalement disparu de l’antenne en 2001, sans avoir jamais vraiment reçu d’explications. Aujourd’hui âgé de 70 ans, Philippe Risoli publie un livre, Dites bien à mon fils que je l’aime, dans lequel il revient sur sa vie et son parcours à la télé. Un ouvrage intimiste dans lequel il se livre comme jamais. À cette occasion, il nous. donné une interviewer, à retrouver en intégralité ici…
Entrevue : Le titre de vos mémoires est Dites bien à mon fils que je l’aime. Expliquez-nous ce choix…
Philippe Risoli : C’est une phrase qui a été dite par mon père il y a deux ans, lorsqu’il est mort. Il a dit ça à l’infirmière. Je n’étais pas présent à sa demande. La veille, quand je suis allé le voir au CHU d’Amiens en soins palliatifs où il était hospitalisé pour un cancer de la plèvre dû à l’amiante, il m’a dit très clairement : « Va t’en, je ne veux pas que tu me vois mourir ! » Une phrase très forte. On est restés 5 minutes à se regarder les yeux dans les yeux, jusqu’à ce que l’infirmière me demande de le laisser, car c’était son souhait. Et le lendemain, l’infirmière m’a appelé pour me répéter ces mots. Mon père était la toute dernière personne qui me connaissait dans mon cercle rapproché. Mes oncles, mes tantes, mes grands-parents et ma mère étaient déjà partis. J’avais donc envie de leur rendre hommage dans mon livre, en plus évidemment de parler de ma passion pour les médias.
À propos des médias, ils n’étaient pas forcément considérés comme un vrai métier par votre famille ?
C’est vrai. Quand j’ai commencé à travailler à la télévision et que j’en parlais avec ma grand-mère paternelle italienne, elle me demandait à quelle heure je me levais le matin. Je répondais : « Oh ça dépend. Des fois, je peux me lever à 10h du matin ! » Et du coup, elle me répondait : « Mais alors, tu ne travailles pas ? » ( Rires ) Pour elle, qui avait vu mon père et mon oncle se lever tôt toute leur vie, travailler, c’était se lever à 5h du matin.
Dans votre livre, vous parlez de la stigmatisation des « Ritals ». Pour vous, il y a encore racisme en France ?
Du racisme, il y en a toujours eu et il y en aura toujours malheureusement. Mais aujourd’hui, les problèmes ne sont plus exactement les mêmes qu’à l’époque où les Italiens sont venus en France. Dans les médias, il n’y a pas un jour qui passe sans que l’on parle des divisions causées par la religion. Ce n’était pas le cas avant. Dans mon quartier du 18e arrondissement la Porte de Clignancourt, c’était un melting-pot de toutes les religions. Dans ma classe, il y avait moi, d’origine italienne, et mes copains juifs et musulmans. Et je n’ai pas le souvenir qu’on parlait de religion, comme les gamins de 14 ans peuvent le faire aujourd’hui… Ça pose question.
Écrire vos mémoires, ça vous a rendu nostalgique d’une certaine époque ?
Je considère plus mon livre comme des souvenirs que des mémoires, ça n’a rien de nostalgique. J’aborde un tas de sujets qui sont plus que jamais d’actualité, mais qui ne datent pas d’hier.
Vous avez un exemple ?
On nous rebat les oreilles avec l’écologie. Mais moi, quand j’étais petit, on me demandait d’aller rapporter les bouteilles qui étaient consignées pour les échanger contre d’autres bouteilles. À l’époque, on faisait déjà un tas de gestes écologiques qui ont disparu aujourd’hui et qu’on essaye de nous remettre sur le tapis maintenant en pensant avoir l’idée du siècle… Dans ces années-là aussi, tout était moins cher. Et puis les gens faisaient la fête… Encore une fois, j’en parle dans mon livre sans nostalgie et sans jugement. Je suis juste fier, dans ce livre, de soulever tout un tas de questions…
Revenons à votre enfance. Vous saviez dès tout petit que vous vouliez faire de la télévision ?
Oui. Depuis que je suis enfant, je veux faire de la télé. Ma mère me racontait qu’à l’âge de trois ans, je montais sur un balai, je me mettais un panier à salade sur la tête et je criais « Artiste ! » Très rapidement, je prenais ce qui me passait par la main, une cuillère ou un croûton de pain, et j’en faisais un micro. Je voulais faire de la télé à une époque où ça n’était pas la mode d’ailleurs. Ça étonnait tout le monde.
Et votre rêve de petit garçon s’est concrétisé sur Canal+ en 1986, quand vous avez présenté un nouveau jeu, Star Quizz. Vous étiez à l’aise tout de suite ou plutôt stressé ?
Je sentais que j’avais la confiance de l’équipe de direction de Canal+. J’étais comme un poisson dans l’eau et tellement heureux que mon rêve de petit garçon de trois ans se concrétise… J’ai fait ça sans aucun problème, les mots arrivaient à moi, c’était fluide. Par contre, j’ai eu le trac après coup. Le jour de la diffusion de ma première émission, j’ai invité toute ma famille à dîner chez moi, et à cinq minutes du générique, j’ai eu des tremblements, j’avais la trouille ! Je n’ai pas pu regarder ma première émission de télé, j’avais la trouille. J’ai quitté la pièce, je suis allé dans une rue et j’ai attendu que ça se termine.
Vous aviez un modèle, un présentateur que vous admiriez ?
Philippe Gildas est l’une des personnes qui m’a donné envie de faire ce métier. Je l’avais contacté et il m’avait répondu ! J’ai eu longtemps sa lettre avec moi, un petit mot où il me disait : « Vous avez des qualités, vous avez du talent… »
Vous avez des amis dans le métier ?
Mes amis ne sont essentiellement pas du métier ! Et je trouve que c’est bien. Certains gens du métier, que je considérais parfois comme des amis, n’ont pas toujours été d’une élégance extrême quand j’ai eu des difficultés professionnelles…
Le milieu de la télé, vous le définiriez comment avec le recul ?
Il y a une sorte d’entre-soi à la télévision. Vous savez, les gens de télé, c’est un peu comme les golfeurs, ils ne vont vous parler que d’un sujet. On est en boucle ! Si vous faites un dîner avec des gens de télé, et bien vous parlez télé du début à la fin. On parle de tout. Ça va de l’audimat à celui qui réussit, celui qui ne réussit pas. On s’interroge sur celui qui a changé de chaîne et qui n’aurait pas dû le faire, celui qui a eu raison de le faire. Tout ça pour dire : est-ce que l’on a vraiment des amis, à la télé lorsque les places sont comptées et chères ?
J’imagine qu’il y a quand même des bons moments. Il y a une anecdote qui vous a marquée durant vos années de télé ?
Ma préférée, c’est au Millionnaire ! On avait tellement de gagnants que l’on était obligés de rajouter des jours de tournage. On avait donc organisé des tournages dans un hôtel de luxe, le Trianon Palace, à Versailles. J’avais l’habitude de parler aux gagnants, ils étaient un peu stressés et donc je les réunissais. Ce jour-là, je les réunis donc dans le couloir de ce fameux hôtel, et on est face à une porte d’ascenseur. Je leur dis : « Écoutez, si vous voulez chanter, chantez ! Amusez-vous, détendez-vous ! Si vous voulez danser, dansez ! Personne n’ira vous comparer à John Travolta !» Et au moment où je dis cette phrase, la porte de l’ascenseur s’ouvre et le vrai John Travolta sort de l’ascenseur, passe devant nous et fait : « Bonjour, bonsoir… » et il s’en va. L’une des gagnantes n’en revenait pas. Elle avait des étoiles dans les yeux et m’a dit : « Mais vous faites ça à chaque fois ? »
Dans votre livre, vous racontez avoir failli mettre le feu à un plateau télé, à cause de votre cigarette. Racontez-nous…
Je fumais beaucoup à l’époque. Ceux qui ne fumaient pas étaient considérés comme des ringards. J’avais pris l’habitude de sortir du plateau pour fumer, et parfois, j’avais à peine le temps d’allumer une cigarette qu’on nous appelait pour retourner sur le plateau. Du coup, j’éteignais ma cigarette sur la chaussure et la mettais dans ma poche. J’ai dû faire ça des centaines de fois. Mais un jour, j’ai fait la même chose avec moins d’attention que d’habitude. J’ai écrasé ma cigarette, je l’ai mise dans ma poche, mais elle n’était pas éteinte. Et donc je rentre en plateau, mais la cigarette se consumait dans ma poche et elle s’est mise à me brûler la cuisse. J’ai crié de douleur. Le public a cru que c’était un sketch, tout le monde m’a applaudi. Mais moi, j’avais le pantalon qui était en train de cramer complètement. J’ai été obligé de sortir. Il a fallu qu’on recommence l’émission !
Des années après, vous connaissez la raison de votre éviction soudaine de TF1 ?
J’en ai une toute petite idée, mais je crois que même le jour de ma mort, je n’aurai jamais le fin mot de l’histoire sur les raisons de mon éviction de TF1. C’est un métier où vous faites une émission, un décideur qui est présent au tournage va dire que c’était magnifique. Et puis si l’audimat est décevant, cette même personne va vous dire que de toute façon, elle n’y avait jamais cru.
Votre départ de TF1 a été violent ?
Je ne me suis jamais engueulé avec TF1, j’ai toujours eu des rapports cordiaux, que ce soit avec Patrick Le Lay ou Étienne Mougeotte. Il s’est sûrement passé quelque chose que j’essaye de comprendre… J’ai un certain nombre de pistes. Vous savez, parfois, il suffit qu’il y ait un changement au sein d’une direction, que celui qui arrive ait une affection particulière pour un autre animateur qui fait partie de son cercle d’amis, et voilà… Il n’y a pas 50 000 places en télé, donc si la direction veut amener son pote, il faut libérer une place. Je pense que c’est ce qui m’est arrivé.
Vous regardez la télévision aujourd’hui malgré en avoir été évincé ?
Vous savez, moi, je suis vraiment un enfant de la télé. Je regarde les talk show, ça m’a toujours intéressé. Je regarde souvent Cyril Hanouna. C’est celui qui m’invite le plus d’ailleurs. Quotidien, par exemple, ils ne m’ont jamais invité alors que mon bouquin parle de TF1 et que je ne dis absolument pas de mal de TF1, au contraire. Mais je ne dois pas avoir l’image qu’ils souhaitent donner à leur émission… On peut dire ce qu’on veut d’Hanouna, faire tous les Complément d’enquête que l’on veut, lui, au moins, il invite tout le monde sans faire de discrimination. Ce n’est pas comme d’autres…
Pour finir, vous écrivez dans votre livre : « Je suis un parisien, un vrai », mais vous êtes assez critique sur la ville… Qu’est-ce qui vous énerve le plus ?
Les travaux ! Paris est la seule ville au monde où vous voyez des travaux sans ouvriers. Et puis il y a ces espèces de plots en béton qui ont été posés pour créer des entonnoirs et provoquer artificiellement des embouteillages, histoire de dégoûter les gens de la voiture. Donc les gens sont totalement énervés… Moi, je suis écologiste dans l’âme, je me déplace en vélo, mais là, c’est de l’écologie punitive. Je n’aime pas cette gestion de la ville en ce moment. Paris est sale, Paris, c’est l’insécurité. J’ai l’impression de dire ce que tout le monde pense. On se rend compte finalement que le peuple français est un peuple gentil. Parce que subir tout ce que les Parisiens subissent à Paris et ne pas se rebeller, eh bien je vous dis, le Français est un gentil… ( Rires )