Pascal Demurger, co-président de Mouvement Impact France et directeur général de la MAIF, a ce vendredi accordé une interview à La Tribune. Il y exprime ses préoccupations face à la montée du Rassemblement National (RN) et la dissolution surprise de l’Assemblée Nationale, qui a engendré des législatives anticipées. Denis Lafay, conseiller éditorial de La Tribune, l’a interrogé sur cette période politique tumultueuse.
Une responsabilité partagée
Pascal Demurger souligne que les entreprises, tout comme les citoyens, sont confrontées à une situation politique préoccupante. En tant que dirigeant, il insiste sur la nécessité pour les entreprises de jouer un rôle civique crucial. « La responsabilité est au cœur de la fonction de patron », déclare-t-il, en accord avec l’analyse de Lionel Jospin qui critique la décision du président de la République de donner une opportunité au RN de briguer le pouvoir.
Gouvernance et risques autocratiques
Interrogé sur la possibilité d’une gouvernance autocratique similaire dans une entreprise, Demurger estime que les structures de gouvernance et les forces intérieures (partenaires sociaux, financiers) sont censées contrebalancer ce risque. Il mentionne que les grands groupes, avec une gouvernance très formalisée, sont moins vulnérables à ce type de pouvoir autocratique.
Dangers des extrêmes politiques
Pascal Demurger partage l’avis du président du Medef, Patrick Martin, sur la dangerosité des programmes du RN et du Nouveau Front Populaire (NFP) pour l’économie française. Toutefois, il souligne que le danger le plus immédiat reste l’arrivée possible du RN au pouvoir, dont le programme économique et idéologique pourrait mener la France au chaos économique et moral. Il met en garde contre les risques exogènes (déstabilisation européenne, nouvelles inégalités, éruption sociale) qui fragiliseront l’économie.
Racines de l’extrémisme
Selon Demurger, la montée des formations politiques extrêmes trouve ses racines dans les années 80, avec la diffusion d’une vision très libérale et financière du capitalisme. Cette approche a conduit à des inégalités croissantes et un sentiment de déclassement, alimentant le vote RN. Il reconnaît que les pratiques managériales brutales et la pression financière ont contribué à ce sentiment de mépris et de déclassement.
Résistance des entreprises
Demurger exprime sa crainte que les entreprises s’accommodent de l’extrême droite au pouvoir, comme cela s’est vu dans l’Allemagne de 1933 ou la France de Vichy. Il insiste sur la responsabilité morale des dirigeants et souligne l’importance d’adopter des politiques managériales fondées sur le respect, la considération, l’inclusion et la solidarité. Les entreprises doivent jouer un rôle majeur dans l’apaisement et la cohésion sociale.
Neutralité politique
Concernant les élections, Demurger précise qu’il ne donnera pas de consignes de vote. « En tant que dirigeant d’entreprise, il ne m’appartient pas de donner des consignes de vote », affirme-t-il, soulignant que sa contribution est de nature sociale et non partisane. Il respecte la liberté de chacun de voter selon ses convictions, tout en mettant en garde contre les dangers du programme RN.
Réaction à une victoire du RN
Enfin, Demurger envisage la possibilité d’une victoire du RN aux élections. Dans un tel cas, il prévoit de rassurer les salariés de la MAIF en réaffirmant les valeurs et l’engagement de l’entreprise. « Nous ne fléchirons pas sur nos fondamentaux et continuerons à défendre nos valeurs », assure-t-il.
Pascal Demurger appelle à une introspection collective des dirigeants d’entreprise et souligne l’importance de construire une nation solidaire, écologique et ouverte, en résistant aux dérives autocratiques et en défendant les valeurs démocratiques.