L’ONG Oxfam vient de publier un rapport soulignant l’urgence de réformer la fiscalité sur les successions en France, à l’heure où le pays s’apprête à vivre une « grande transmission de richesse ». Selon Oxfam, cette période, marquée par le transfert de fortunes accumulées par les générations de baby-boomers, représente une occasion cruciale de réduire les déficits et les inégalités croissantes.
Le rapport met en lumière que 0,1 % des héritiers touchent en moyenne 13 millions d’euros chacun, soit 180 fois l’héritage médian, mais ne paient que 10 % de droits de succession, bien en dessous du taux marginal de 45 % prévu. Pendant ce temps, près de la moitié de la population ne reçoit qu’un héritage modeste, voire pas du tout.
Un manque à gagner considérable
Oxfam estime que la France pourrait perdre jusqu’à 160 milliards d’euros en recettes fiscales si la fiscalité sur les successions reste inchangée. Plus de 460 milliards d’euros pourraient être transmis dans les trente prochaines années par 25 milliardaires français de plus de 70 ans. Actuellement, ces super-héritiers échappent largement à l’impôt en profitant de niches fiscales, comme le Pacte Dutreil et les exonérations sur les assurances-vie.
Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, souligne que le débat sur la fiscalité des successions est devenu primordial dans le contexte d’une politique budgétaire de plus en plus serrée. « Si vous êtes le fils de Bernard Arnault, vous paierez moins de droits de succession proportionnellement qu’une personne qui hérite de 15 000 euros de sa marraine, » explique-t-elle.
Des propositions concrètes
Pour remédier à cette situation, Oxfam propose plusieurs mesures :
- Réformer les niches fiscales et exonérations considérées comme « inutiles ».
- Établir un barème de taxation unique et progressif qui ne tienne pas compte des liens de parenté.
- Produire des données claires sur la fiscalité des successions pour mieux informer le public et les décideurs politiques.
Malgré les recommandations et les appels à l’action, le sujet reste délicat dans le paysage politique français. Historiquement, des propositions de réforme ont été évoquées sans être mises en œuvre, comme l’augmentation de l’abattement sur les successions en ligne directe de 100 000 à 150 000 euros, suggérée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2022.
Un consensus difficile à atteindre
La question de la taxation des successions continue de diviser les opinions. Alors que la majorité des Français ne paie pas d’impôts sur les héritages, Oxfam insiste sur la nécessité d’une réforme pour s’attaquer aux inégalités. « Ce n’est pas une révolution bolivarienne, c’est une question de justice fiscale », conclut Duflot, espérant que les récents changements politiques permettront de redonner un nouvel élan au débat sur la fiscalité des super-héritiers.