“Omar-Jo, son manège à lui” : quand le théâtre et le podcast se rencontrent pour écrire l’Histoire de la guerre civile du Liban (1975-1990)

Entrevue 1


Le Studio-Théâtre de la Comédie-Française se transforme en studio d’enregistrement radiophonique pour donner vie à Omar-Jo, son manège à lui, une adaptation du roman L’Enfant multiple d’Andrée Chedid, signée Guy Zilberstein. “Peu importe que ce soit vrai, l’important, c’est que ce soit juste.” C’est autour de cette idée phare qu’Anne Kessler met en scène ce spectacle qui, à travers l’histoire romancée d’un garçon à l’enfance mutilée par la guerre du Liban, offre une réflexion poignante sur la façon dont la fiction peut transmettre la vérité.

Dans Omar-Jo, son manège à lui, nous assistons à la réalisation du cinquième épisode d’un podcast fictif intitulé “Les enfants de la guerre”. L’équipe, composée d’une réalisatrice, d’un comédien et d’un ingénieur du son, enregistre l’épisode dédié à Omar-Jo, un jeune garçon libanais mutilé lors d’un attentat à Beyrouth en 1987. Arraché à son pays, il trouve refuge à Paris, où il rencontre Maxime, un forain désabusé qui lui redonne goût à la vie. 

À travers cette adaptation, Anne Kessler nous immerge dans une ambiance feutrée, grâce aux murs en bois clair et au tapis au sol qui réchauffent le studio d’enregistrement. Les trois personnages évoluent derrière un tulle tendu, créant un quatrième mur, frontière délicate qui isole les artistes dans leur bulle de création. Sur ce voile, des images projetées se superposent aux acteurs, faisant apparaître l’enfant et évoquant tour à tour le Beyrouth dévasté des années 1980 et le Paris lumineux du manège. Ces projections, semblables à des éclats de mémoire, créent une toile mouvante où passé et présent se confondent, renforçant l’impression de rêve éveillé dans lequel se trouvent les trois protagonistes en plein processus créatif. On voit à la fois le travail d’enregistrement et le déroulé des discussions entre les personnages débattant du bien fondé de leur démarche. Ainsi, l’enjeu de la pièce n’est pas de reconstituer l’histoire d’Omar-Jo mais de montrer comment une équipe artistique, coupée du monde, débat pour traduire l’indicible. Claire de la Rüe du Can incarne avec une belle sensibilité la réalisatrice Adèle, intimement motivée par l’idée de trouver une vérité artistique qui parle plus fort que les faits.

En utilisant le podcast comme fil conducteur, la pièce établit un lien passionnant entre le théâtre et la radio. Zilberstein avait choisi cette forme pour interroger la place croissante de ce média dans la transmission des histoires contemporaines. Une de ses nouvelles formes, le podcast, qui est devenu de nos jours « une pratique culturelle nouvelle, populaire, nomade, numérique qui parle à tout le monde », explique Anne Kessler, apparaît comme un vecteur d’information et d’art à part entière. 

Omar-Jo, son manège à lui, une mise en scène d’Anne Kessler, d’après une dramaturgie de Guy Zilberstein et interprété par Claire de La Rüe du Can, Dominique Parent et Baptiste Chabauty, jusqu’au 3 novembre 2024.

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