Depuis la rentrée parlementaire européenne, le paysage politique au sein de l’hémicycle a changé, révélant un rapprochement inédit entre la droite traditionnelle et les forces politiques plus radicales. Le Parti populaire européen (PPE), traditionnellement ancré au centre-droit, semble de plus en plus ouvert à des alliances avec des groupes plus conservateurs et nationalistes, ébranlant ainsi le « cordon sanitaire » qui maintenait une distance politique avec ces forces.
Les tensions se sont intensifiées dès la première session plénière, lorsque le PPE, sous la direction de Manfred Weber, a proposé un débat sur des questions sensibles comme les menaces terroristes et la gestion de l’immigration clandestine. Une initiative qui a immédiatement suscité l’opposition des socialistes (S&D), menés par Iratxe García Pérez. Refusant de mélanger les débats sur le terrorisme et l’immigration, les socialistes ont cherché à modifier l’intitulé, soutenus par les libéraux de Renew, les Verts et la Gauche. Cependant, le PPE, renforcé par l’appui des partis plus à droite, a maintenu son cap, illustrant une nouvelle dynamique où la droite classique et les forces conservatrices disposent d’une majorité influente.
Depuis les élections de juin dernier, qui ont vu le PPE se hisser en tête avec 188 sièges, ces nouvelles alliances se sont concrétisées à travers plusieurs votes importants. En septembre, une résolution sur le Venezuela a été adoptée grâce à l’union des voix du PPE et de ces groupes conservateurs. Bien que les socialistes et Renew aient été d’accord sur le fond, ils se sont abstenus en vertu du « cordon sanitaire » qui les empêche de collaborer avec ces partis.
La situation s’est encore exacerbée la semaine dernière, avec un vote crucial sur l’ordre des auditions des futurs commissaires européens. Ici encore, le PPE a choisi de s’allier aux partis conservateurs pour placer la socialiste espagnole Teresa Ribera en dernière position, la rendant ainsi plus vulnérable. En revanche, Raffaele Fitto, représentant d’un groupe nationaliste, passera parmi les premiers. Ce geste a suscité une vive colère des socialistes, avec Iratxe García Pérez dénonçant une « rupture » du cordon sanitaire, accusant la droite traditionnelle de s’allier sans scrupules à des forces plus radicales.
Du côté du PPE, cette nouvelle stratégie est assumée. Selon leurs représentants, les socialistes sont de « mauvais perdants », incapables d’accepter le nouveau rapport de force où ils ne peuvent plus imposer leur ligne comme dans la législature précédente. Cette évolution reflète, selon certains observateurs, une tactique délibérée du PPE : utiliser des majorités différentes selon les dossiers pour affirmer son leadership. David Cormand, membre des écologistes, souligne que ce phénomène n’est pas une surprise, car de telles coalitions sont déjà observées à l’échelle nationale dans plusieurs pays européens.
Pour Renew, bien que l’ordre de passage des auditions ait préservé leur représentant français Stéphane Séjourné, cette nouvelle majorité, qualifiée de « profondément anti-européenne », suscite de vives inquiétudes. La présidente du groupe, Valérie Hayer, met en garde contre l’impact durable que cette stratégie pourrait avoir sur l’avenir de l’Union européenne.
En somme, le Parlement européen est désormais le théâtre d’un jeu d’équilibres politiques où le PPE s’impose comme un faiseur de roi, prêt à collaborer avec différentes factions pour faire passer son agenda. Ces nouvelles alliances, encore ponctuelles, pourraient bien devenir la norme et redéfinir les dynamiques au sein de l’institution européenne.