Netanyahou à la barre : analyse d’Hubert Védrine sur la crise Israélo-Libanaise

29 septembre, 2024 / Entrevue

Dans une interview accordée à La Tribune Dimanche, l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine s’est penché sur la situation tendue au Liban et les répercussions des récentes frappes israéliennes. Védrine estime que ces actions ne suffiront pas à rétablir la sécurité au nord d’Israël et soulève des questions cruciales sur les objectifs de Benyamin Netanyahou.

Selon Védrine, le Liban traverse une crise profonde depuis des années. Bien que les opérations militaires israéliennes puissent susciter l’enthousiasme en Israël et réjouir certains Libanais lassés de l’emprise du Hezbollah, il s’inquiète des conséquences à long terme de ces frappes. La question essentielle demeure : quel sera l’avenir de cette région déjà déstabilisée ?

Les véritables objectifs de Netanyahou

Netanyahou, au pouvoir depuis plus d’une décennie, a des objectifs clairs : maintenir son autorité et prolonger le conflit. « Ses actions visent principalement à protéger Israël de l’Iran, un objectif qui bénéficie d’un large soutien en Israël et en Occident », explique Védrine. Il souligne également que Netanyahou cherche à empêcher la création d’un État palestinien, soulignant ainsi l’impact de l’absence de solution au conflit israélo-palestinien sur la situation libanaise.

Védrine note que la menace posée par le Hezbollah renforce la popularité de Netanyahou, même parmi ceux qui critiquent ses choix concernant Gaza ou la question palestinienne. Pour de nombreux Israéliens, vivre sous la menace du Hezbollah est inacceptable, ce qui donne un élan favorable aux actions militaires du gouvernement.

Bien que l’armée israélienne puisse affaiblir le Hezbollah, Védrine insiste sur le fait qu’elle ne pourra pas l’éliminer totalement. « Le Hezbollah est une entité complexe, à la fois politique, sociale et militaire », précise-t-il. Toutefois, tout effort visant à affaiblir cette organisation est perçu comme bénéfique par Israël.

Les conséquences des représailles iraniennes

Interrogé sur la réaction de l’Iran face à l’escalade des tensions, Védrine prévoit une réponse mesurée. « Le régime iranien cherchera à agir sans se mettre en danger. En réalité, il se moque des Palestiniens », affirme-t-il, ajoutant qu’une escalade régionale est à prévoir, mais elle restera probablement contenue.

Lorsque la question de l’influence des États-Unis et de la France sur Israël est abordée, Védrine se montre pessimiste. « Personne ne peut arrêter Netanyahou », déclare-t-il. Il soutient que l’influence israélienne sur les États-Unis est forte, rendant les appels au cessez-le-feu peu efficaces. Selon lui, l’Amérique considère Israël comme un allié et les Palestiniens comme marginalisés dans ce contexte.

Malgré le tableau sombre qu’il dresse, Védrine ne perd pas espoir. Il souligne la vitalité de la société israélienne et évoque la possibilité qu’un futur leader, semblable à Yitzhak Rabin, puisse émerger pour relancer un dialogue constructif avec les Palestiniens. Rabin, qui avait réussi à allier lutte contre le terrorisme et négociations, incarne pour lui un modèle à suivre.