Le Liban amorce une nouvelle page de son histoire tumultueuse avec la nomination ce lundi de Nawaf Salam comme Premier ministre. Diplomate chevronné et président de la Cour internationale de justice (CIJ) depuis 2018, Nawaf Salam incarne, aux yeux de beaucoup, l’espoir d’une réforme véritable et d’une sortie de crise pour un pays meurtri par des années d’instabilité politique, économique et sociale.
Un parcours exceptionnel au service de la justice et de la diplomatie
Nawaf Salam, 71 ans, est un homme de principes et de convictions, reconnu sur la scène internationale pour sa rigueur intellectuelle et son engagement envers l’état de droit. Formé à Harvard et titulaire de diplômes prestigieux en droit et en sciences politiques, il a consacré sa carrière à la défense des droits humains et à la diplomatie multilatérale. Sa présidence à la CIJ témoigne de la confiance dont il jouit au sein de la communauté internationale.
Sa nomination intervient dans un contexte où le Liban a plus que jamais besoin d’un leadership crédible. Sa réputation d’homme intègre, indépendant des pressions partisanes, et son expérience des arènes internationales font de lui un choix stratégique pour apaiser les tensions internes et rétablir la confiance auprès des bailleurs de fonds internationaux. Nawaf Salam incarne un visage réformiste dans un système politique libanais gangrené par la corruption et les intérêts sectaires.
Un héritage lourd à porter
Le défi auquel Nawaf Salam fait face est colossal. Il hérite d’un pays plongé dans une crise économique sans précédent, aggravée par des années de paralysie politique et de gestion désastreuse. Les institutions sont à genoux, et la population, épuisée par l’hyperinflation, les pénuries de biens essentiels et les coupures d’électricité, n’attend plus que des actes concrets.
Son prédécesseur, Najib Mikati, a laissé derrière lui un bilan profondément critiqué. Chef du gouvernement à plusieurs reprises depuis 2005, Mikati a été accusé de maintenir le statu quo, voire d’aggraver la situation. Malgré son discours sur l’unité nationale, son incapacité à mettre en œuvre des réformes structurelles a contribué à l’effondrement du pays.
La gouvernance de Mikati a été marquée par des scandales de corruption, des décisions controversées et une gestion chaotique des crises. En 2019, il a été impliqué dans une affaire d’enrichissement illicite via des prêts subventionnés au logement, renforçant l’image d’une classe politique profitant de son pouvoir au détriment des citoyens. Bien que les charges aient été abandonnées, cette affaire a terni sa réputation et illustré les failles systémiques du pays.
Sur le plan international, Mikati a souvent été perçu comme un acteur de compromis, notamment envers le Hezbollah et ses alliés, ce qui a isolé le Liban sur la scène arabe et internationale. Ses détracteurs dénoncent une complaisance qui aurait permis à des puissances étrangères, notamment l’Iran, d’accroître leur influence au Liban, exacerbant les divisions internes.
Sur le front économique, Mikati n’a pas su répondre aux attentes des Libanais. Les réformes exigées par le Fonds monétaire international (FMI) pour débloquer une aide cruciale n’ont jamais vu le jour, laissant le pays dans une spirale d’endettement. Pire encore, la gestion des tensions avec Israël au Sud-Liban a mis en lumière une incapacité à affirmer la souveraineté du pays face aux offensives israéliennes et aux provocations du Hezbollah.
Un visage de l’espoir pour un pays en détresse
En choisissant Nawaf Salam, le président Joseph Aoun envoie un signal fort : celui de la volonté de tourner la page des alliances clientélistes et des compromissions. Salam devra toutefois composer avec un Parlement fragmenté, où les forces traditionnelles continuent de peser. Son principal atout reste sa légitimité internationale et son engagement en faveur de réformes structurelles, notamment dans la lutte contre la corruption et la reconstruction de l’économie libanaise.
Le défi est immense, mais Nawaf Salam semble incarner l’homme de la situation. Sa vision moderniste, son réseau international et sa volonté affichée de gouverner pour le bien commun pourraient permettre de redonner espoir à un peuple désabusé. Reste à savoir si les forces politiques libanaises, souvent guidées par des intérêts sectaires et personnels, le laisseront agir.
Pour l’heure, la nomination de Nawaf Salam est une lueur d’espoir dans un ciel libanais assombri. L’avenir dira s’il parviendra à transformer cette lumière en un véritable renouveau.