Mozambique : évasion massive de prisonniers et violences post-électorales

Entrevue 1

Les tensions post-électorales au Mozambique ont connu un brusque regain de violence lorsqu’une évasion massive s’est produite, mercredi 25 décembre, dans une prison de haute sécurité située à une quinzaine de kilomètres de la capitale. Plus de 1 500 détenus ont profité du climat de confusion pour s’évader, exacerbant encore un peu plus l’instabilité qui règne dans le pays depuis la confirmation, le 23 décembre, de la victoire du Frelimo lors de l’élection présidentielle du 9 octobre.

Une évasion aux conséquences dramatiques

Devant la presse, le chef de la police nationale, Bernardino Rafael, a confirmé que « 1 534 détenus se sont échappés de la prison » dans l’après-midi, dont une trentaine de jihadistes présumés liés aux groupes armés sévissant dans la province septentrionale du Cabo Delgado. Selon les autorités, la manœuvre a été facilitée par la présence de manifestants devant l’enceinte pénitentiaire, ce qui a semé la panique à l’intérieur et permis aux prisonniers de faire tomber un mur.

Dans leur fuite, certains détenus auraient emporté des armes appartenant aux gardiens. Les forces de l’ordre, appuyées par l’armée, ont depuis lancé d’intenses recherches, parvenant à rattraper quelque 150 fugitifs. Trente-trois évadés ont été tués et quinze autres blessés lors d’affrontements avec le personnel pénitentiaire, tandis que le chef de la police a fait part de sa « vive préoccupation » quant au potentiel regroupement de ces fugitifs avec d’autres criminels dans les jours à venir.

Au Mozambique, la contestation perdure depuis l’officialisation de la victoire de Daniel Chapo, le candidat du Frelimo, déclaré réélu avec 65 % des voix. Les opposants, emmenés par l’ex-commentateur télé Venancio Mondlane, réfugié à l’étranger, clament que cette élection a été « volée » et dénoncent de nombreuses irrégularités constatées par plusieurs observateurs locaux et internationaux.

Dans la capitale, la tension est telle que de nombreux commerces restent fermés, par crainte de nouveaux pillages. Les rares supermarchés encore debout ont pu ouvrir quelques heures, mais les actes de vandalisme se multiplient. Selon plusieurs ONG, les deux mois de manifestations, grèves et blocages précédant la proclamation officielle des résultats ont déjà fait plus d’une centaine de morts. Le gouvernement, de son côté, avance le chiffre de 21 décès pour la seule journée de mardi 24 décembre, dont deux policiers.

Des infrastructures vitales ciblées

Outre les pillages de boutiques et de bâtiments publics, de nombreux biens de première nécessité ont été ciblés. Des ambulances ont été incendiées et un dépôt de médicaments a été mis à sac à Maputo, aggravant le climat d’insécurité sanitaire. Dans certains quartiers, des habitants ont dressé des barricades pour filtrer la circulation ou ont installé des tables dans la rue pour fêter Noël, déterminés à maintenir la mobilisation. Mardi, les principaux axes de la capitale, y compris la route menant à l’aéroport, étaient bloqués une bonne partie de la journée. Des heurts sporadiques ont éclaté avec les forces de l’ordre, déployées en véhicules blindés pour tenter de contenir la colère des manifestants. Plusieurs commissariats ont été pris d’assaut, ainsi qu’une autre prison dont 86 détenus se seraient également échappés.

La crise, qui inquiète au-delà des frontières mozambicaines, place le pays voisin d’Afrique du Sud dans une position délicate. Alors que des voix internationales (notamment de l’Union européenne et des États-Unis) expriment leur inquiétude sur la « transparence » de l’élection, le Congrès national africain (ANC) au pouvoir à Pretoria a rapidement félicité le « camarade » Daniel Chapo pour sa réélection, suscitant des critiques sur une possible « nonchalance » régionale face à la situation explosive au Mozambique.

Pour beaucoup, ces nouvelles violences rappellent les douloureux épisodes du passé, alors que le Mozambique demeure hanté par son histoire récente, marquée par une guerre civile (1975-1992). Si le Frelimo n’a quasiment jamais quitté le pouvoir depuis l’indépendance, nombre de Mozambicains espéraient que ces élections de 2024 pourraient offrir une alternative politique. L’escalade de la violence actuelle menace aujourd’hui non seulement la stabilité du pays, mais aussi son fragile tissu social et économique.

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