Mobilisation de la Coordination Rurale : quand la fermeté d’Annie Genevard masque l’inaction

Entrevue 1

Ce lundi 6 janvier 2025, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, a pris la parole sur TF1 pour commenter la mobilisation des agriculteurs de la Coordination Rurale (CR), rassemblés aux portes de Paris. Tandis que près de 200 agriculteurs et une cinquantaine de tracteurs manifestent pour faire entendre leurs revendications, la ministre a exprimé son refus d’une éventuelle paralysie de la capitale. Une position qui, si elle entend défendre l’ordre public, pourrait éloigner un peu plus une partie du monde agricole de son gouvernement.

« On ne bloque pas Paris un jour de rentrée scolaire, un jour de rentrée pour les Français », a martelé Annie Genevard sur le plateau de TF1. Rappelant que la mobilité des Français ne devait pas être compromise, elle a insisté sur la nécessité d’une manifestation sans violence. La ministre a appuyé la fermeté exprimée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, tout en reconnaissant la difficulté des conditions auxquelles sont confrontés les agriculteurs : des étés marqués par des crises sanitaires et des aléas météorologiques destructeurs.

Mais cette fermeté tranche avec le ton plus conciliant qu’elle avait adopté lors de sa nomination en septembre dernier, quand elle avait promis de « respecter et écouter les agriculteurs ». Aujourd’hui, les syndicats agricoles, et particulièrement la Coordination Rurale, se disent déçus par ce qu’ils perçoivent comme une forme d’éloignement des réalités agricoles.

Une Coordination Rurale en quête de reconnaissance

Les bonnets jaunes de la Coordination Rurale exigent notamment des mesures contre les accords de libre-échange, la concurrence intra-européenne jugée déloyale, et les contrôles accrus dans les fermes. Leur frustration est d’autant plus palpable qu’ils considèrent la date du 13 janvier, retenue pour une rencontre avec le Premier ministre François Bayrou, comme un délai injustifié. « On maintient notre appel à manifester partout en France et à monter sur Paris », a déclaré Patrick Legras, porte-parole de la CR.

Dans ce contexte, les paroles d’Annie Genevard, qualifiant leur demande d’urgence de « peu justifiée », ont été mal accueillies par les agriculteurs. « Que les parlementaires viennent discuter un moment avec nous, et on repartira. On n’est pas là pour embêter les Parisiens », a réaffirmé un membre de la CR, révélant une volonté de dialogue que le gouvernement semble ignorer.

Genevard, un bilan en demi-teinte

Depuis sa nomination, Annie Genevard porte l’étiquette d’une ministre proche de la FNSEA, le premier syndicat agricole, souvent critiqué pour son soutien à des politiques perçues comme favorables aux grandes exploitations. Ses positions sur les pesticides et sa défense du principe « pas d’interdiction sans solution » avaient suscité l’espoir d’une approche pragmatique. Cependant, ses opposants pointent un manque de volonté réelle de réforme face aux défis économiques et environnementaux.

La CR, qui milite pour une autorisation communautaire des produits phytosanitaires afin d’éviter les distorsions de concurrence, déplore une absence de mesures concrètes. « Nous espérons que la ministre respectera le principe de cohérence politique et économique », insiste le syndicat. En ligne de mire, la question du flufenacet, un herbicide essentiel, dont l’interdiction pourrait plonger les agriculteurs français dans une impasse concurrentielle.

La mobilisation actuelle intervient à la veille des élections des chambres d’agriculture, prévues du 15 au 31 janvier. La CR, renforcée par des actions spectaculaires ces derniers mois, espère renverser l’hégémonie de la FNSEA. Si le gouvernement persiste dans sa posture jugée distante, il pourrait bien offrir à ce syndicat souverainiste une légitimité accrue au sein d’un monde agricole en quête de reconnaissance et de solutions.

En s’éloignant de la base agricole la plus contestataire, Annie Genevard prend le risque d’envenimer une situation déjà tendue. Si ses efforts pour maintenir l’ordre à Paris visent à éviter un désastre médiatique, ils pourraient également renforcer l’idée que le gouvernement est sourd aux attentes du monde rural. Reste à voir si le rendez-vous du 13 janvier suffira à apaiser des tensions qui ne cessent de croître.

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Journaliste, chroniqueur et producteur, Radouan Kourak est un passionné d’histoire et de politique. Il se distingue par son goût pour l’analyse, le débat, le pluralisme et la confrontation d’idées. Repéré par Cyril Hanouna, il est un habitué des plateaux de C8 et CNews, où il intervient avec conviction et réflexion. Il apporte dans les médias, une perspective unique nourrie par sa passion pour la France et son souci de rigueur.

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