Michel Pastoureau explore l’histoire du rose dans son nouvel ouvrage
Dans son dernier livre Rose : Histoire d’une couleur (Seuil, 2024), Michel Pastoureau s’intéresse à une couleur aux connotations multiples et souvent mal comprises. Contrairement à d’autres teintes, le rose a mis longtemps à être reconnu comme une couleur à part entière en Europe. Ni les Grecs ni les Romains ne possédaient de mot pour le désigner, et ce n’est qu’au Moyen Âge qu’il commence à apparaître dans les répertoires chromatiques, grâce à l’importation de teintures comme le bois de brésil. Sa reconnaissance en tant que mélange de rouge et de blanc intervient tardivement, au XVIIIe siècle, une période où il devient un symbole de douceur et de raffinement, prisé autant par les hommes que par les femmes de l’aristocratie.
Le XIXe siècle marque un tournant dans l’histoire du rose, qui devient alors associé à des stéréotypes genrés. Cette féminisation massive est renforcée au XXe siècle par des figures comme la poupée Barbie et les jouets destinés aux filles. Michel Pastoureau met en lumière cette évolution, tout en rappelant qu’avant cette période, le rose était largement porté par les hommes dans les milieux aristocratiques. Il souligne également que les classes populaires, jusqu’au début du XXe siècle, habillaient leurs enfants, filles et garçons, de blanc pour des raisons pratiques. Ce n’est que dans les années 1930 que la distinction rose-bleu pour différencier les sexes devient courante, un phénomène lié à l’industrialisation des vêtements pour enfants.
Au-delà des aspects genrés, l’ouvrage examine les usages du rose dans divers contextes culturels et artistiques. Très présent à l’époque romantique, il connaît des réinterprétations dans la modernité, notamment à travers le pop art et la “pink culture”. Toutefois, le rose conserve une place ambivalente, perçu tantôt comme provocateur, tantôt comme kitsch ou mièvre. À travers une iconographie riche et une analyse détaillée, Michel Pastoureau poursuit son étude des couleurs entamée il y a près de 25 ans, apportant une nouvelle contribution à l’histoire culturelle européenne.