Mélenchon et le Maghreb : entre flatteries diplomatiques et héritage nostalgique

Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise (LFI), entretient une relation complexe et évolutive avec le Maghreb, une région où ses racines personnelles et ses convictions politiques se croisent de manière souvent contradictoire. Né à Tanger en 1951, Mélenchon n’a jamais caché son attachement à cette région, en particulier au Maroc, où il a passé les premières années de sa vie. Pourtant, ses positions récentes, oscillant entre l’Algérie et le Maroc, montrent une stratégie de séduction qui pourrait refléter autant une nostalgie personnelle qu’une tentative de capitaliser sur l’électorat arabo-musulman en France.

L’Insoumise Rima Hassan en Algérie : une première visite sous le signe de la flatterie

En juillet 2024, la nouvelle députée européenne Rima Hassan, membre de LFI, effectue sa première visite officielle en Algérie. Ses déclarations, qualifiant le pays de « Mecque des révolutionnaires et de la liberté », évoquent un discours d’une autre époque, celle des années 1960. Ces propos, loin de faire l’unanimité en Algérie, sont perçus comme une tentative de flatter le pouvoir algérien et de minimiser les critiques sur l’évolution des positions de LFI, qui a récemment montré un rapprochement avec le Maroc, ennemi juré de l’Algérie.

Entre Algérie et Maroc : un équilibre fragile

La relation entre l’Algérie et le Maroc est marquée par une hostilité persistante, notamment en raison de la question du Sahara occidental. Cette région, revendiquée par le Maroc depuis son indépendance, est soutenue par l’Algérie à travers le Front Polisario, un mouvement indépendantiste sahraoui. Pour Mélenchon, qui a des liens historiques avec ces deux pays, naviguer entre les deux est un exercice périlleux. En 2023, lors d’une visite au Maroc, il avait jugé « intéressantes » les propositions marocaines pour le Sahara occidental, ce qui contrastait avec la position traditionnelle de la gauche française, historiquement alignée sur l’Algérie.

Une gauche française divisée

Historiquement, la droite française a soutenu le Maroc, tandis que la gauche s’est rangée aux côtés de l’Algérie. Cependant, ce schéma semble se brouiller sous l’impulsion de Mélenchon. En 2018, un député LFI critiquait encore la position du Quai d’Orsay sur les « persécutions » au Sahara occidental. Aujourd’hui, la position de LFI s’oriente vers un soutien plus ambigu au Maroc, sans pour autant rompre les liens avec l’Algérie, comme en témoigne la récente visite de Rima Hassan.

Les contradictions de Mélenchon

Mélenchon semble naviguer entre deux mondes : d’une part, il cherche à se rapprocher du Maroc, pays de son enfance, et d’autre part, il tente de maintenir une relation cordiale avec l’Algérie, où ses discours ont parfois flirté avec la flatterie. Cette ambivalence est également visible dans son approche des islamistes en Algérie, qu’il critique ouvertement par le passé, mais qu’il ménage désormais pour des raisons électorales.

Un aveuglement sur le Maghreb ?

Les spécialistes du Maghreb, comme Pierre Vermeren et Benjamin Stora, estiment que Mélenchon est déconnecté des réalités actuelles de la région. Son attachement sentimental à une époque révolue semble l’empêcher de saisir les dynamiques contemporaines, que ce soit en Algérie ou au Maroc. Alors que la France perd de son influence en Algérie au profit de la Chine, Mélenchon semble, lui, s’accrocher à une vision idéalisée d’un Maghreb uni, un projet que peu d’observateurs jugent réaliste.

Conclusion : un positionnement fragile

En somme, les réajustements géopolitiques de Mélenchon au Maghreb reflètent autant ses ambitions politiques que ses attaches personnelles. Cependant, sa stratégie de séduction envers Alger et Rabat semble plus motivée par un désir de réconcilier son passé avec son présent politique que par une compréhension profonde des enjeux actuels de la région. Une approche qui, à long terme, pourrait s’avérer risquée, tant pour LFI que pour les relations franco-maghrébines.