Marine Le Pen et Bruno Retailleau : un désaccord majeur sur l’État de droit

06 octobre, 2024 / Entrevue

Lors d’un meeting à Nice ce dimanche, Marine Le Pen a exprimé une « divergence majeure » avec le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, au sujet de l’État de droit, qu’elle considère comme un pilier fondamental de la civilisation européenne. La cheffe des députés du Rassemblement national (RN) s’est opposée aux déclarations récentes de Retailleau, estimant qu’elles remettent en question la stabilité de ce principe.

Les propos controversés de Bruno Retailleau

Dans une interview accordée au Journal du Dimanche (JDD), Bruno Retailleau a affirmé que « l’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré », expliquant que sa source est « la démocratie, c’est le peuple souverain ». Ces déclarations ont provoqué de vives critiques, notamment de la part de la gauche et du camp présidentiel, qui y ont vu une remise en cause de l’un des fondements des démocraties modernes. Face aux réactions, Retailleau a regretté que ses propos aient été « instrumentalisés par de faux débats », mais le débat sur la nature de l’État de droit et son rapport avec la démocratie était lancé.

Marine Le Pen défend une vision traditionnelle de l’État de droit

Marine Le Pen, triple candidate à l’élection présidentielle, a rejeté la position de Retailleau, en défendant l’État de droit comme un pilier essentiel et inébranlable. « Ce n’est pas l’État de droit en tant que tel qui doit être contesté, c’est tout le contraire. Nous en sommes les garants, au sens que lui ont donné les plus brillants philosophes européens des siècles passés », a-t-elle déclaré devant ses partisans.

Elle a souligné que l’État de droit signifie la soumission de tous aux règles démocratiquement établies, et qu’il constitue l’une des « immenses conquêtes de la civilisation européenne ». Toutefois, elle a critiqué la manière dont cette notion a été, selon elle, déformée pour devenir un instrument de restriction de la souveraineté populaire. « Ce qui est contestable, en revanche, c’est la façon dont ils ont renversé cette notion pour en faire un instrument de soumission des peuples qui n’auraient plus la liberté démocratique de faire évoluer le droit. Cela, nous ne l’accepterons jamais », a-t-elle affirmé.

Le désaccord entre Marine Le Pen et Bruno Retailleau porte essentiellement sur la question de savoir si l’État de droit doit être figé ou évoluer en fonction de la volonté populaire. Pour Retailleau, la souveraineté populaire doit pouvoir primer sur un cadre juridique rigide, exprimant ainsi une méfiance envers une bureaucratie ou des juges perçus comme limitant la liberté d’action des gouvernements élus.

Marine Le Pen partage l’idée que le droit doit pouvoir évoluer, mais elle rejette toute tentative de rigidifier l’État de droit par des institutions internationales ou des traités qui, à son avis, restreignent la capacité des peuples à modifier leur propre législation. Cette opposition reflète une tension classique entre la souveraineté nationale et le cadre juridique supranational, un thème récurrent dans ses discours et son programme politique.

Jordan Bardella appelle à la fin des polémiques

Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a dénoncé les « polémiques stériles » qui ont suivi les propos de Retailleau. Selon lui, « quand la loi protège nos libertés fondamentales et garantit le bon exercice de la démocratie, l’État de droit doit être sanctuarisé ». Cependant, il a ajouté que l’État de droit inclut aussi « la possibilité de changer le droit dans l’État lorsque celui-ci dysfonctionne », soulignant ainsi l’importance d’une souplesse démocratique.

En conclusion, ce débat sur l’État de droit oppose deux visions : celle de Retailleau, qui veut permettre à la démocratie de primer sur un cadre juridique figé, et celle de Marine Le Pen, qui défend un État de droit ferme, tout en dénonçant son utilisation comme un outil de soumission empêchant l’évolution démocratique. Ce débat met en lumière une question fondamentale de la politique contemporaine : l’équilibre entre la souveraineté populaire et le respect des principes juridiques établis.