Magdebourg : un attentat qui expose les failles du système migratoire allemand

Entrevue 1

L’Allemagne, encore bouleversée par l’attaque à la voiture-bélier survenue vendredi dernier à Magdebourg, voit les débats sur l’immigration s’enflammer à quelques semaines des législatives anticipées du 23 février 2025. Le bilan tragique – cinq morts, dont un enfant de neuf ans, et plus de 200 blessés – a ravivé des fractures profondes au sein de la société allemande, accentuées par les récupérations politiques immédiates de l’extrême droite.

L’auteur présumé, Taleb Jawad al-Abdulmohsen, un psychiatre saoudien de 50 ans réfugié en Allemagne depuis 2006, est un personnage complexe. Officiellement apostat, hostile à l’islam, et critique virulent de la monarchie saoudienne, il avait néanmoins affiché des positions pro-Hamas et accusé l’Allemagne de maltraiter les réfugiés. Malgré ses critiques du régime saoudien, Riyad avait averti Berlin à plusieurs reprises sur sa dangerosité potentielle et réclamé son extradition, en vain.

Dans ses publications, cet homme au profil atypique mêlait des opinions contradictoires : rejet de l’islam, soutien à des théories d’extrême droite, mais aussi dénonciation du traitement des réfugiés par l’Allemagne. Sa colère contre les institutions et ses troubles psychologiques, confirmés par la presse allemande, compliquent davantage la lecture de ses motivations. Ces contradictions n’ont cependant pas empêché l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, de s’emparer du drame pour attaquer la politique migratoire du gouvernement Scholz.

L’AfD sur le pied de guerre

Lundi soir, plus de 3 500 militants de l’AfD ont convergé vers Magdebourg pour dénoncer l’immigration massive et rendre hommage aux victimes. Au pied de la cathédrale, Alice Weidel, coprésidente du parti, a tenu un discours enflammé. « Magdebourg n’aurait jamais dû arriver. Ce drame est le fruit d’une immigration incontrôlée que nous devons stopper immédiatement », a-t-elle lancé à une foule scandant « Expulsion, expulsion ! ». L’AfD, créditée de 20 % des intentions de vote dans les sondages, renforce ainsi sa rhétorique anti-migrants en pleine campagne. Le parti, hostile aux réfugiés et prorusse, cible particulièrement la gestion de l’immigration par Olaf Scholz, accusant le gouvernement d’avoir failli à protéger les citoyens. Pourtant, le lien direct entre l’attentat et la politique migratoire reste flou, car Taleb Jawad al-Abdulmohsen avait exprimé des opinions proches de celles de l’extrême droite elle-même.

En réaction, près de 4 000 personnes ont formé une chaîne humaine dans les rues de Magdebourg, à l’appel du mouvement citoyen « Ne donne aucune chance à la haine ». Ce rassemblement visait à dénoncer l’instrumentalisation de l’attentat par l’extrême droite allemande. Des pancartes appelant à « la tolérance et l’humanité » contrastaient avec les slogans nationalistes des militants de l’AfD. Le président allemand Frank-Walter Steinmeier, dans son allocution de Noël, a exhorté ses concitoyens à rester unis : « Beaucoup ont le cœur lourd en cette période de fêtes, mais nous ne devons pas céder à la haine. L’Allemagne doit se rassembler et ne pas se laisser diviser. »

Un débat biaisé par les émotions

La surenchère politique autour de l’immigration masque des réalités plus complexes. Alors que l’Allemagne fait face à une pénurie de main-d’œuvre et à une natalité déclinante, de nombreux économistes rappellent la nécessité d’attirer des travailleurs étrangers. Cependant, le débat public semble désormais focalisé sur des enjeux identitaires et sécuritaires.

L’attentat de Magdebourg, qu’il ait été commis au nom de l’islam ou non, met en lumière un fait indéniable : son auteur était un immigré, bénéficiant du statut de réfugié depuis des années. Ce drame tragique illustre une réalité préoccupante, trop souvent éludée : l’Allemagne a perdu le contrôle de sa politique migratoire. La question ici n’est pas seulement celle de la religion ou des motivations individuelles, mais bien celle d’un système défaillant qui laisse entrer et s’installer des individus sans garanties suffisantes sur leur capacité à s’intégrer et sur les risques qu’ils représentent pour la sécurité nationale.

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Journaliste, chroniqueur et producteur, Radouan Kourak est un passionné d’histoire et de politique. Il se distingue par son goût pour l’analyse, le débat, le pluralisme et la confrontation d’idées. Repéré par Cyril Hanouna, il est un habitué des plateaux de C8 et CNews, où il intervient avec conviction et réflexion. Il apporte dans les médias, une perspective unique nourrie par sa passion pour la France et son souci de rigueur.

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