« Madame Butterfly » à l’Opéra Bastille : Eleonora Buratto éblouit dans le rôle de la geisha sacrifiée
Plus de trois décennies après sa création, la mise en scène minimaliste et hypnotique de Madame Butterfly par Robert Wilson reste intemporelle. À l’Opéra Bastille, le public a été fasciné par l’élégance formelle des décors épurés et des mouvements chorégraphiés inspirés du théâtre nô et de la danse butô. Mais c’est surtout la prestation de la soprano italienne Eleonora Buratto dans le rôle-titre qui a marqué les esprits. Son incarnation de Cio-Cio-San, la jeune geisha trahie, a touché le public par son intensité émotionnelle et sa performance physique remarquable.
Accompagnée par le ténor Stefan Pop dans le rôle de Pinkerton, Buratto livre une interprétation riche en nuances, où l’amour aveugle de son personnage se heurte à la froideur calculatrice de son amant. La mise en scène stylisée de Wilson, servie par des jeux de lumière sophistiqués et des costumes sobres, amplifie la tragédie de cette femme condamnée à l’abandon. Le contraste entre l’esthétique immaculée et la violence intérieure du drame fait de cette reprise de Madame Butterfly une expérience théâtrale puissante.
En plus des performances vocales et théâtrales magistrales d’Eleonora Buratto et d’Aude Extrémo, qui incarne Suzuki, le spectacle bénéficie de la direction musicale dynamique de Speranza Scappucci, qui fait vibrer l’orchestration puccinienne. À travers cette version captivante, Madame Butterfly continue d’interroger les rapports de domination entre l’Orient et l’Occident, tout en résonnant par sa modernité et son humanité.
Alice Leroy