« Ma vie ma gueule » d’Agnès Jaoui : le portrait fantasque de la réalisatrice Sophie Fillières disparue en 2023

16 septembre, 2024 / Alice Leroy

Le 18 septembre 2024 sort en salles Ma vie ma gueule, ultime film de Sophie Fillières, achevé après sa disparition en juillet 2023. Ce septième long-métrage, porté par Agnès Jaoui, raconte avec délicatesse et humour le parcours d’une femme de 55 ans en quête de renaissance, entre errances et retrouvailles avec elle-même.

Sophie Fillières, qui n’était pas consciente de sa maladie au moment de l’écriture, a confié à ses enfants, Agathe et Adam Bonitzer, ainsi qu’à son monteur François Quiperé, la responsabilité de finaliser le film. Cependant, Ma vie ma gueule n’a rien d’un hommage ou d’un testament. Il s’agit d’une exploration de la crise existentielle d’une femme, découpée en trois actes : la comédie douce-amère (« Pif »), la tragédie (« Paf ») et la résurrection (« Youkou »).

Dans ce film, Sophie Fillières fait preuve d’une autodérision rare, offrant une poésie visuelle et verbale qui accompagne l’héroïne à chaque étape de sa vie tumultueuse. « Elle avait ce talent incroyable pour capturer l’absurde de la vie tout en insufflant une beauté inattendue à chaque scène », confie Agnès Jaoui, qui incarne Barberie Bichette, un alter ego de la réalisatrice.

Agnès Jaoui, miroir de la réalisatrice

Au cœur du film, Agnès Jaoui livre une performance magistrale, où elle donne vie à Barberie Bichette, une femme fantasque, fragile et résolument attachante. De bout en bout, l’actrice est omniprésente, habitant un personnage complexe qui navigue entre éclats de rire et angoisse existentielle. « Elle ne m’a pas dit : ‘tu seras moi’, mais elle m’a mis ses vêtements, ses bagues, et même ses chaussures qui influençaient ma démarche », révèle Agnès Jaoui.

Le film, empreint d’une douce mélancolie, est tourné dans les lieux de vie de la réalisatrice, y compris dans son propre appartement et son cabinet de psychanalyse. Cette proximité avec la réalité ajoute une dimension presque documentaire à certaines scènes, renforçant l’intimité du récit. « C’était filmé chez elle, avec ses amis, et les scènes avec son psy ont été tournées chez son psy, avec son psy », raconte Jaoui, sourire en coin.

Un adieu prémonitoire

Ma vie ma gueule bouleverse par sa capacité à osciller entre l’humour décalé et des instants de pure émotion, comme lors de cette scène troublante où Barberie, sur le quai d’une gare, dit adieu à ses enfants avant de s’évader vers les Highlands écossais. Un au revoir aussi léger que poignant, désormais teinté de prémonition après la disparition de Sophie Fillières.

Sophie Fillières, fidèle à son style unique, a réussi à distiller un esprit libre et une dérision tendre dans ce portrait de femme en plein bouleversement intérieur. Ma vie ma gueule est un récit à la fois fantasque et réaliste, illuminé par la sensibilité d’Agnès Jaoui, qui rend hommage à la réalisatrice avec une sincérité et une justesse admirables.

Alice Leroy