L’islamisme en France : un projet de transformation sociétale, alerte Florence Bergeaud-Blackler

08 septembre, 2024 / Entrevue

Dans un entretien accordé au Figaro, l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler met en garde contre la menace que représente l’islamisme en France, en particulier à travers les réseaux des Frères musulmans. Chargée de recherche au CNRS et auteure de Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête (2023), elle décrit un phénomène de « fréro-salafisme » qui, selon elle, s’enracine dans certaines banlieues françaises, attirant les jeunes générations.

Bergeaud-Blackler explique que les imams issus de ce courant, comme celui des Bleuets à Marseille, mêlent un projet politique inspiré des Frères musulmans avec une pratique rigoureuse et austère issue du salafisme. Ce courant, selon elle, promeut une islamisation disciplinée qui séduit les jeunes, tout en contournant le puritanisme des wahhabites, souvent jugés trop apolitiques. Ces mouvements se nourrissent d’une opposition à l’islamophobie et visent à sensibiliser non seulement les musulmans, mais aussi les non-musulmans, à leur vision du monde.

Elle dénonce également une certaine complaisance des élites politiques et médiatiques, en particulier à gauche, envers ces courants islamistes. Elle estime que la gauche a parfois activement contribué à l’essor de l’islamisme en France, par opportunisme, notamment via ses alliances avec des mouvements indigénistes. Selon elle, un examen de conscience de la gauche serait douloureux, car il révélerait l’ampleur de sa responsabilité.

En réponse à cette menace, elle appelle à une prise de conscience collective et à un effort d’éducation citoyenne, afin de mieux comprendre les objectifs politiques et sociétaux de ces mouvements islamistes. Elle préconise des mesures fermes pour contrer l’endoctrinement tout en évitant toute forme de chasse aux sorcières.

Sous protection policière depuis la publication de son ouvrage, Florence Bergeaud-Blackler s’inquiète également de l’ostracisme dont elle fait l’objet au sein du milieu universitaire français, bien que son travail soit mieux accueilli à l’étranger, notamment au Danemark, en Allemagne et en Suède. Elle déplore le manque de débat sur ces questions en France, où l’islamisme reste un sujet tabou dans de nombreuses sphères.

Pour elle, ce silence contribue à l’avancée d’un projet islamiste de longue haleine qui vise à transformer radicalement les sociétés européennes.