« L’information est en danger » : Laurent Delahousse alerte sur l’impact des réseaux sociaux

15 septembre, 2024 / Entrevue

Depuis son arrivée à la tête du JT de France 2 en 2006, Laurent Delahousse s’est montré discret dans les médias. Pour la rentrée 2024, il a fait une exception et a accordé une interview à La Tribune Dimanche. Avec humour, il justifie cette rareté médiatique en affirmant : « Il faut quand même prendre la parole de temps en temps, sinon on finit par alimenter les fantasmes. » Au fil de la discussion, il partage ses projets pour le JT, ses réflexions sur le rôle de l’information dans une société en mutation, ainsi que ses inquiétudes pour l’avenir du journalisme.

Le JT de France 2 évolue

Le journal de France 2 a récemment vu sa durée s’allonger à une heure chaque soir. Delahousse explique que cette évolution vise à offrir une information plus sereine dans un monde où l’attention se réduit et où la surenchère émotionnelle domine. Une nouveauté notable est l’apparition de 20h30 le vendredi, en plus des rendez-vous déjà bien établis le week-end, permettant de revenir sur des événements récents ou passés. Désormais entouré de chroniqueurs, Delahousse se réjouit de ne plus être seul à porter le journal, après 18 ans à ce poste.

Laurent Delahousse met en garde contre l’emprise croissante des géants de la tech sur l’information. Selon lui, l’un des plus grands défis actuels est de ne pas laisser les réseaux sociaux, souvent vecteurs de désinformation, dominer l’espace médiatique. Il s’inquiète de voir des figures comme Elon Musk devenir des acteurs majeurs de l’information, soulignant la nécessité de protéger l’intégrité des nouvelles dans un monde où la vérité est constamment menacée. « Elon Musk ne doit pas devenir le directeur de l’information de la planète », avertit-il.

Pour Delahousse, l’information est aussi fragile que la démocratie. Il estime qu’il est crucial de ne pas traiter l’actualité comme un simple produit commercial. Face à un climat politique marqué par la division et la manipulation des émotions, il insiste sur la nécessité de préserver une information vérifiée et hiérarchisée, qui ne succombe pas aux pressions des algorithmes et des médias sociaux.

Un journalisme bienveillant

Interrogé sur les critiques qualifiant parfois ses interviews de « lisses » ou « complaisantes », Delahousse rejette ces accusations, affirmant qu’il privilégie la bienveillance à l’agressivité. « Je ne cherche pas le clash », confie-t-il, préférant poser des questions de manière froide et calme pour révéler la vérité, sans chercher à impressionner ses confrères. Il se dit en accord avec lui-même et avec une partie des Français, adoptant une approche plus humaine dans ses échanges.

L’attention que Laurent Delahousse porte à l’esthétique est l’une des marques de son travail. Passionné de cinéma et de photographie depuis son plus jeune âge, il veille à offrir des productions visuellement soignées, que ce soit dans ses émissions ou ses documentaires. Il revendique cette « élégance journalistique » qui caractérise ses formats, notamment dans 20h30 le dimanche.

Ancien journaliste politique, Delahousse se dit déçu par l’évolution du débat politique en France. En 2021, lors d’une soirée électorale, il s’était exclamé en plein direct : « Je commence à comprendre les Français », exprimant ainsi son désarroi face aux invectives constantes entre les invités politiques, alors que très peu de citoyens avaient voté. Selon lui, certains responsables politiques exploitent les fractures sociales pour servir leurs propres intérêts, ce qui représente un danger pour la démocratie. Bien qu’il reste passionné par la vie politique, Delahousse avoue avoir pris du recul ces dernières années, demandant même à ses responsables de le retirer de certaines séquences, comme les primaires, qu’il n’était plus enclin à couvrir.

Malgré ses nombreuses autres activités – producteur, réalisateur de documentaires – Delahousse reste profondément attaché à la télévision et au journalisme, qu’il considère comme un métier noble. Il rejette l’idée que la télévision soit une discipline inférieure au cinéma, soulignant que la réalité possède une puissance aussi forte que la fiction. Actuellement, il travaille sur plusieurs projets, dont un scénario de film et une série politique, mais sa priorité reste le journal télévisé et les documentaires qu’il continue de produire.

La récente liquidation judiciaire de sa société de production, Magneto Presse, a marqué un coup dur pour Delahousse. Il évoque cette période avec tristesse, affirmant que Magneto était l’une des plus belles aventures de sa vie. Toutefois, il reste optimiste et se lance dans une nouvelle aventure avec la création de Native Production, une société dédiée à la production de documentaires, de fictions et de podcasts. Il annonce également un projet pour France 5, Ainsi va le monde, qui sera diffusé en 2025 et s’intéressera à des sujets aussi divers qu’Elon Musk, Taylor Swift, Xi Jinping, le Viagra et le burger.

Une vie privée protégée

Connu pour sa discrétion, Laurent Delahousse ne souhaite pas exposer sa vie personnelle, notamment sa relation avec l’actrice Alice Taglioni. Il explique vouloir protéger sa famille, consciente des dangers d’une médiatisation excessive. Cette préservation de son intimité reflète son approche mesurée et réfléchie face à la célébrité.

Travaillant six jours sur sept, Delahousse admet que la pression est intense dans sa vie professionnelle, mais il reconnaît aussi l’importance croissante, avec l’âge, de trouver des moments de calme et d’échapper au chaos de l’actualité. Bien qu’il se considère chanceux d’avoir une vie familiale épanouie et une carrière riche, il confie voir régulièrement un thérapeute pour mieux comprendre ses besoins et affronter les défis personnels et professionnels.

En somme, Laurent Delahousse se présente comme un journaliste engagé, soucieux de l’intégrité de l’information, tout en restant attaché à un style bienveillant et esthétiquement soigné.