Les Insoumis menacent de recourir à l’article 68 de la Constitution pour tenter de destituer Emmanuel Macron, si ce dernier refuse de nommer la candidate de la gauche au poste de Première ministre. Toutefois, malgré cette menace, les experts s’accordent à dire que cette procédure a très peu de chances d’aboutir.
L’article 68, modifié en 2007, permet en théorie de destituer le président de la République en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Pour les Insoumis, le fait qu’Emmanuel Macron ait laissé le pays sans gouvernement pendant plusieurs semaines constitue un tel manquement, compromettant ainsi son rôle de « garant de la démocratie ».
Cependant, la réalité politique rend cette démarche extrêmement complexe. Pour qu’une destitution soit possible, la proposition doit d’abord être approuvée par les deux assemblées, avant d’être soumise à un vote où elle doit recueillir une majorité des deux tiers des parlementaires réunis en Haute Cour. Ce processus est loin d’être simple, malgré les affirmations contraires de certains leaders politiques.
Néanmoins, cette initiative peut être perçue comme une stratégie politique visant à exercer une pression sur le président. Lorsque le gouvernement est démissionnaire, il n’est plus possible de le renverser, laissant le président comme seul fusible. En engageant une procédure de destitution, les Insoumis tentent ainsi de placer la responsabilité du blocage directement sur Emmanuel Macron.
En France, une telle procédure est presque sans précédent. Depuis l’entrée en vigueur de la version actuelle de l’article 68 en 2014, il n’a été invoqué qu’une seule fois, par des députés Les Républicains contre François Hollande après la révélation d’informations sensibles dans le livre « Un président ne devrait pas dire ça… ». Cette tentative avait rapidement été rejetée par le bureau de l’Assemblée nationale. L’article 68 a été conçu pour rendre la destitution presque impossible, afin de prévenir les abus de ce mécanisme.
Sans exemples probants en France, on se réfère souvent à l’impeachment aux États-Unis pour illustrer ce type de procédure. La destitution est en effet conçue pour protéger la fonction présidentielle, même contre son propre titulaire. Un recours devant le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel dans cette situation serait irrecevable, car la nomination d’un gouvernement relève avant tout d’un acte politique.
La question reste ouverte : l’absence prolongée de nomination d’un Premier ministre peut-elle être considérée comme un motif valable de destitution ? Ce sera aux parlementaires d’en juger, mais les Insoumis devront attendre le début de la session parlementaire en octobre pour envisager d’agir.