Le gouvernement prépare une révision stricte de la circulaire dite « Valls », en vigueur depuis 2012, qui encadre les régularisations exceptionnelles de sans-papiers. Annoncée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, la nouvelle version, attendue d’ici début décembre, vise à restreindre les critères d’admission au séjour pour les travailleurs étrangers, les motifs familiaux et les étudiants. Cette réforme pourrait réduire le nombre de régularisations accordées chaque année par les préfectures, qui ont atteint 34 724 en 2023, selon le ministère de l’Intérieur.
Vers une politique plus stricte
La circulaire « Valls » permet actuellement aux étrangers en situation irrégulière de demander une « admission exceptionnelle au séjour » (AES) sur la base de motifs économiques, familiaux ou d’études. Les critères incluent une résidence d’au moins trois ans en France et deux ans de travail pour les régularisations par le travail, ainsi que cinq ans de résidence et un enfant scolarisé pour les régularisations familiales. En 2023, 11 525 personnes ont été régularisées pour motif économique, tandis que 22 167 l’ont été pour des raisons familiales.
Le projet de révision de Bruno Retailleau vise à durcir ces conditions. Les régularisations pour motif économique seraient limitées aux métiers dits « en tension », dont la liste sera actualisée avec la mise en œuvre de la nouvelle circulaire. Pour les régularisations familiales, de nouveaux critères devraient être introduits, tels que la fourniture de justificatifs de revenus, la preuve d’un logement adapté et la démonstration d’une maîtrise suffisante de la langue française.
Une pression accrue sur les préfets
Les préfets, chargés d’appliquer la circulaire, font face à des injonctions de l’exécutif pour diminuer les régularisations et augmenter les expulsions. Une réunion en octobre a rassemblé les représentants des 21 départements les plus touchés par l’immigration, au cours de laquelle il leur a été demandé de limiter les admissions exceptionnelles. Cette marge d’appréciation, que certaines préfectures utilisaient pour résoudre des cas complexes, devrait disparaître au profit de critères plus uniformes et rigides.
En pratique, l’application de la circulaire « Valls » varie considérablement d’une préfecture à l’autre. Les Alpes-Maritimes, par exemple, ont délivré 658 titres de séjour en 2023, contre seulement 259 en Haute-Vienne. Les nouvelles directives du ministère cherchent à harmoniser ces pratiques, mais pourraient rendre plus difficile la résolution de situations particulières, comme les régularisations d’employés en situation irrégulière dans des secteurs en manque de main-d’œuvre, ou d’enfants scolarisés depuis longtemps.
Un « changement de braquet » dans la politique migratoire
Cette réforme marque un tournant dans la politique migratoire du gouvernement, qui souhaite envoyer un signal de fermeté. « Nous devons régulariser au compte-goutte, sur la base de vrais critères d’intégration », a insisté Bruno Retailleau, qui affirme que l’immigration massive « n’est pas une chance pour la France ».
Les nouvelles mesures visent à rapprocher l’admission exceptionnelle au séjour du regroupement familial, une procédure plus exigeante. Face à cette approche plus stricte, certains préfets ont déjà indiqué qu’ils ne procèderaient plus à de nouvelles régularisations, anticipant les futures contraintes.
Le ministre de l’Intérieur prévoit d’envoyer une circulaire de « pilotage » aux préfets pour les orienter dans la mise en œuvre de ces nouvelles directives. Les résultats des expulsions et des régularisations seront étroitement surveillés dans les mois à venir, dans un contexte de durcissement général de la politique migratoire française.