Les nouveaux défis des lobbyistes dans une Assemblée nationale fragmentée

09 août, 2024 / Entrevue

Avec une Assemblée nationale plus divisée que jamais, les lobbyistes se retrouvent à naviguer dans des eaux inconnues. L’absence de majorité absolue après les législatives anticipées bouleverse l’équilibre des pouvoirs en France, augmentant l’influence du Parlement au détriment de l’Élysée. Ce changement contraint les cabinets de lobbying à intensifier leurs efforts pour influencer les députés, plutôt que de se concentrer principalement sur les conseillers présidentiels.

Le nouvel environnement politique

Le paysage politique actuel, marqué par la montée des forces mélenchonistes et lepénistes, présente un défi majeur pour les représentants d’intérêts. Traditionnellement, les lobbyistes sollicitaient des rencontres avec des élus et fournissaient des notes techniques pour influencer la législation. Cependant, avec un Parlement fragmenté où les partis de gauche comme La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) occupent près de 40 % des sièges, les stratégies doivent évoluer.

Des relations complexes avec les partis politiques

Les relations avec LFI et les écologistes sont tendues, ces derniers étant méfiants envers le lobbying. Gabriel Amard, député LFI, souligne leur réticence à engager un dialogue avec ceux qui défendent des intérêts particuliers. En revanche, les socialistes et les communistes sont perçus comme plus ouverts aux discussions, notamment lorsqu’il s’agit de préoccupations économiques locales.

Le RN, premier groupe parlementaire, est plus disposé à collaborer avec les lobbyistes, bien que cela crée un malaise chez certains consultants. Les entreprises hésitent à s’associer à un parti souvent considéré comme antisystème. Néanmoins, le RN continue de dialoguer avec certains secteurs, attirant des collaborateurs du privé pour renforcer son influence.

Les défis de la fragmentation parlementaire

L’Assemblée nationale compte désormais onze groupes, un record sous la Ve République, rendant les prévisions législatives incertaines. Les « niches parlementaires », où chaque groupe fixe l’ordre du jour, ajoutent à cette imprévisibilité. Des alliances inattendues entre LFI et le RN pourraient émerger, notamment sur des sujets comme l’abrogation de la réforme des retraites.

Le Sénat comme pôle de stabilité

Dans ce contexte de volatilité, le Sénat pourrait devenir un refuge de stabilité. Selon Tiphaine Mercier de Havas, le rôle accru du Sénat pourrait renforcer le « bloc central » composé des macronistes et des Républicains, facilitant ainsi le dialogue entre entreprises et élus.

Malgré l’incertitude à l’Assemblée, certains consultants voient des opportunités, anticipant une normalisation progressive des relations entre entreprises et le RN. La perspective de la présidentielle de 2027, ainsi que la possibilité d’une nouvelle dissolution, accentue la nécessité pour les lobbyistes de s’adapter rapidement à ce nouvel environnement politique.