Les maires de France ont marqué l’ouverture de leur congrès annuel par une action symbolique et inédite : arborer une écharpe noire recouvrant leur écharpe tricolore traditionnelle. À l’appel de l’Association des maires de France (AMF), cette initiative vise à dénoncer les coupes budgétaires prévues dans le projet de loi de finances 2025, qui imposera une contribution de 5 milliards d’euros aux collectivités territoriales.
« La mort des communes serait la fin de la nation »
David Lisnard, président de l’AMF et maire de Cannes, a pris la parole devant un parterre de 5 000 élus rassemblés à la Porte de Versailles. « Nos écharpes tricolores recouvertes de noir symbolisent la mort annoncée de nos communes, ce qui marquerait aussi la fin de l’État et de la nation », a-t-il déclaré. Les élus locaux jugent l’effort demandé disproportionné et potentiellement dévastateur pour leurs capacités d’investissement.
L’écharpe noire, avec un liseré aux couleurs de la République, incarne à la fois la tristesse et la révolte des maires face à une politique jugée injuste. André Laignel, premier vice-président de l’AMF, a affirmé : « Ce noir est le symbole de notre combat pour préserver l’action publique locale au service de nos concitoyens. »
Une facture bien plus lourde selon les élus
Le projet de loi de finances 2025 prévoit une réduction de 5 milliards d’euros pour les collectivités, dont 3 milliards pour les 450 plus grandes. Toutefois, les associations d’élus, comme l’AMF, estiment que la facture réelle pourrait atteindre 11 milliards. Ces ponctions risquent d’aggraver les difficultés financières des communes, déjà confrontées à des charges croissantes.
Pour le président par intérim de Villes de France, Jean-François Debat, ces mesures « brutales et inefficaces » forcent les collectivités à envisager de nouveaux emprunts, creusant davantage leur endettement. Johanna Rolland, présidente de France urbaine, a rappelé que « les collectivités représentent 70 % de l’investissement public », un levier crucial pour l’économie nationale.
Face à la colère des élus, le gouvernement a annoncé des ajustements : l’abandon de la rétroactivité de la baisse du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) et un étalement sur quatre ans au lieu de trois des hausses des cotisations patronales à la Caisse nationale de retraite des agents territoriaux. Des gestes jugés largement insuffisants par les maires, qui réclament une réduction significative de l’effort demandé.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, s’est positionné en faveur d’une baisse de cette contribution à 2 milliards d’euros, tandis que le Premier ministre Michel Barnier, attendu jeudi pour la clôture du congrès, devra répondre à ces revendications. Stéphane Le Foll, maire du Mans, a plaidé ce mardi pour une « révision des ponctions budgétaires », qualifiant leur réduction de « minimum acceptable ».
Un cri d’alerte
Selon un rapport du Cevipof et de l’AMF, seuls 27 % des maires estiment bénéficier de la reconnaissance de l’État, contre 39 % en 2020. Une baisse significative qui illustre le malaise grandissant entre élus locaux et gouvernement. « Ces coupes toucheraient directement les services publics locaux, notamment la petite enfance, la transition énergétique et le soutien aux plus démunis », a averti David Lisnard.
Ce Congrès des maires, placé sous le signe de la colère, se poursuivra jusqu’à jeudi. En filigrane, une question demeure : jusqu’où le gouvernement est-il prêt à aller pour répondre aux attentes des collectivités sans compromettre ses objectifs budgétaires ?