Entre confusion et contestations, le tribunal correctionnel de Paris s’efforce de calculer les montants des détournements supposés dans l’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement national (RN). 3 millions d’euros, 4,5 millions ? La complexité des sommes en jeu, les différentes responsabilités et les périodes concernées ont transformé cette troisième journée d’audience en un véritable casse-tête.
Marine Le Pen, l’une des accusées principales, n’a pas caché son irritation face aux chiffres énoncés par la présidente Bénédicte de Perthuis, qui a tenté de chiffrer les “détournements visés par la prévention”. “Marine Le Pen, 474 000 euros ; Jean-Marie Le Pen, 513 000 euros ; Fernand Le Rachinel, 815 000 euros”, énumérait-elle, avant d’ajouter d’autres noms comme Catherine Griset ou Micheline Bruna, également concernés par des montants de plusieurs centaines de milliers d’euros. Les calculs se sont complexifiés lorsqu’il a fallu prendre en compte les montants imputés au RN, en tant que “personne morale”.
Le tribunal estime que les détournements atteindraient un total de 4,5 millions d’euros, dont 3 millions seraient imputables aux principaux auteurs. Mais ces chiffres, reconnus comme approximatifs par la présidente elle-même, ont suscité l’indignation des avocats de la défense. “On a fait des évaluations comme on a pu, c’est peut-être totalement faux”, admettait Bénédicte de Perthuis, provoquant des réactions exaspérées. L’avocat de Marine Le Pen, Me Rodolphe Bosselut, a même questionné la possibilité de poursuivre les débats dans ces conditions.
Les tensions ont atteint leur paroxysme lorsque le tribunal a décidé d’alourdir d’un million d’euros les montants reprochés au RN, portant le total à 4,5 millions d’euros, contre les 3,213 millions initiaux. Cette décision a été justifiée par la volonté d’inclure des contrats considérés comme faisant partie d’un “système” visant à rémunérer des employés du parti avec des fonds européens. Une affirmation vivement contestée par la défense, qui dénonce un manque de clarté sur les accusations portées contre les prévenus.
Face à ce flou persistant, la présidente a tenté de rassurer : “Il n’y a aucun piège, nous essayons de mettre les chiffres au clair, avec vous”. Mais les avocats, frustrés, continuent de s’interroger sur la réelle compréhension des faits reprochés. Pour Marine Le Pen, ce procès pourrait se révéler lourd de conséquences, notamment pour ses ambitions politiques futures, si ces montants sont retenus et si le RN est jugé coupable d’avoir mis en place un système de détournement systématique de fonds.
Ce procès, qui doit se poursuivre pendant deux mois, laisse présager de nombreux rebondissements, alors que les débats de fond doivent débuter dans les prochains jours. Le tribunal, sans certitudes mathématiques, doit naviguer entre chiffres et accusations, sous l’œil attentif de Marine Le Pen et de ses défenseurs, bien décidés à contester chaque calcul.