Nelson Mandela, dans ses réflexions pleines de sagesse, a affirmé : « Le sport peut faire naître l’espoir là où régnait le désespoir. Il est plus puissant que tous les gouvernements pour faire tomber les barrières raciales. Il se moque de toute forme de discrimination. »
Ce propos trouve écho dans les nombreux efforts et programmes mondiaux qui utilisent le sport comme un vecteur de paix et de réconciliation sociale.
Fondements historiques et symboliques
Le rôle du sport comme catalyseur de paix trouve ses racines dans l’histoire ancienne, se mêlant à la mythologie et à la diplomatie entre les cités. L’antiquité nous offre l’exemple le plus emblématique avec l’Ekecheiria, ou trêve olympique, instaurée dans la Grèce antique. Cette trêve demandait aux cités-états de suspendre les conflits durant les Jeux Olympiques, permettant ainsi aux athlètes et aux spectateurs de voyager en sécurité à travers les territoires ennemis pour participer ou assister aux jeux. Cette tradition, née dans un contexte de guerres incessantes, reflète la reconnaissance précoce du sport comme espace neutre favorisant la paix et le dialogue.
Au-delà de son aspect historique, le symbolisme de l’Ekecheiria perdure à travers les âges, illustrant la capacité du sport à unir les peuples au-delà de leurs différences immédiates. Ce principe antique s’est transposé dans l’ère moderne, où les jeux olympiques continuent de servir de pont entre les cultures, même en temps de tensions politiques. La tradition de la trêve olympique a été officiellement renouvelée dans les années 1990 par les Nations Unies, affirmant ainsi son importance dans le contexte contemporain de la diplomatie mondiale.
L’initiative des Nations Unies et le rôle croissant du sport
En 2013, reconnaissant ce potentiel, l’Assemblée générale des Nations Unies a institué le 6 avril comme Journée internationale du sport au service du développement et de la paix, soulignant ainsi son rôle essentiel dans la promotion de la paix et du développement humain.
Le sport a longtemps été perçu par les Nations Unies non seulement comme un outil de développement personnel mais aussi comme un moyen de promouvoir la paix à l’échelle mondiale. Depuis les années 2000, l’organisation a progressivement reconnu le sport comme un élément de son « soft power », en intégrant les valeurs de pacifisme, de fair-play et de solidarité dans ses efforts de diplomatie globale.
En 2001, la création d’un bureau pour le sport au service du développement et de la paix et la nomination d’un conseiller spécial ont marqué un tournant, montrant l’engagement de l’ONU à promouvoir le sport comme un moyen de soutenir les objectifs de développement mondial et de prévention des conflits. Ce changement d’approche a été renforcé par l’adoption du plan d’action de Kazan en 2017, qui a mis en lumière le rôle du sport dans la réalisation des objectifs de développement durable.
Le sport comme outil de réconciliation dans les zones de conflit
Les récits de Marlène Harnois, ambassadrice de l’Organisation Peace and Sport, basée en Principauté de Monaco et placée sous le Haut Patronage de Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II de Monaco, créée à l’initiative de son Président Fondateur Joël Bouzou, médaillé olympique et Président des Olympiens, illustrent parfaitement comment le sport peut effacer les préjugés et renforcer les liens entre les jeunes issus de régions déchirées par les conflits, comme au Congo, au Rwanda, et au Burundi. « Dans la région des Grands Lacs, dans un territoire profondément marqué par les violences et les génocides, les jeunes sont arrivés avec leurs peurs et leur méfiance de l’autre. Dès que nous leur avons donné un ballon, que nous les avons unis autour du jeu, les barrières et les appréhensions ont disparues. En l’espace de quelques minutes ils faisaient équipe et couraient main dans la main. A la fin de la semaine, ils voulaient rester en contact. Le sport permet de créer du lien et de réinstaurer le dialogue. C’est son pouvoir le plus puissant. » témoigne avec enthousiasme Marlène Harnoisla double championne d’Europe de taekwondo, à la suite de sa participation aux Jeux de l’Amitié dans la région des Grands lacs.
Les nombreux témoignages montrent que, sur le terrain de jeu, les différences s’estompent, laissant place à un esprit d’équipe et une camaraderie qui perdurent bien au-delà des matchs.
Au Libéria, un programme de surf a aidé d’anciens enfants soldats à se reconstruire après les guerres civiles, offrant une échappatoire et un moyen de surmonter les traumatismes du passé. Le surf, par sa nature même, permet une sorte de « renaissance » symbolique, essentielle pour ceux qui cherchent à reconstruire leur vie après un conflit : « Le surf, comme le sport en général, leur permet d’être dans le moment présent tout simplement et d’oublier les horreurs du passé. Avec le surf, il y a quelque chose d’encore plus puissant, plonger sous l’eau, avec toute la symbolique qu’il y a derrière ; se laver l’esprit, renaître » explique Damien Castera, surfeur professionnel et co-réalisateur du film Water get no enemy.
En Côte d’Ivoire, le programme « Sport pour la Paix » a utilisé le sport pour rapprocher les communautés divisées par des années de conflit. En organisant des activités sportives, des tournois et des événements culturels, ce programme a favorisé la compréhension et le respect mutuel entre divers groupes ethniques et politiques, créant un espace pour la réconciliation et la construction d’une paix durable.
Le rêve d’un monde pacifique façonné par le sport ?
L’intégration du sport dans les politiques de développement et de paix continue de montrer que, au-delà de la compétition, le sport peut servir de fondement pour des sociétés plus harmonieuses et résilientes. De nombreux programmes d’origine privée, au même titre que les initiatives des Nations Unies illustrent la puissance du sport non seulement comme divertissement, mais aussi comme un puissant outil de transformation sociale et de réconciliation.
Le sport, avec sa capacité unique de transcender les frontières culturelles et sociales, continue de prouver que même dans les situations les plus sombres, il peut être une source lumineuse d’espoir et de renouveau.
Bastien DUPONT : juriste & expert auprès de l’Institut International de Gestion des Conflits
Ronald JAPPONT : diplomate & expert auprès de l’Union Nations Fédération