Cette semaine, le ministre sénégalais de l’Éducation, Moustapha Mamba Guirassy, a promulgué un arrêté autorisant le port de signes religieux, tels que le voile, la croix ou les perles sacrées, dans l’ensemble des établissements scolaires, qu’ils soient publics ou privés. Cette décision, qui met fin à une interdiction longtemps en vigueur, a suscité de nombreuses réactions dans le pays, notamment au sein des communautés religieuses.
Une décision attendue après une vive polémique
Cette nouvelle mesure intervient dans un climat tendu, marqué par la controverse déclenchée par les propos du Premier ministre Ousmane Sonko en août dernier, qui avait sévèrement critiqué les établissements scolaires interdisant le port du voile. Lors d’une cérémonie récompensant les meilleurs élèves du Sénégal, Sonko avait fermement déclaré que de telles interdictions ne seraient plus tolérées, déclenchant l’indignation du Conseil national du Laïcat, qui regroupe les associations catholiques du pays.
L’arrêté publié par le ministère de l’Éducation précise que les écoles doivent respecter les croyances religieuses tout en garantissant que les élèves soient identifiables dans l’enceinte scolaire. Il interdit ainsi le port de signes couvrant totalement le visage, tels que le voile intégral.
Les écoles catholiques, qui jouissent d’une grande réputation au Sénégal, se trouvent au cœur du débat. Environ 190 établissements privés catholiques, accueillant une majorité d’élèves musulmans, sont concernés par cette mesure. Bien que les règlements intérieurs de ces écoles n’interdisent généralement pas explicitement le port de signes religieux, certains incidents, comme celui de l’Institution Sainte-Jeanne-d’Arc en 2019, ont ravivé la controverse. À cette époque, plusieurs jeunes filles avaient été exclues en raison de leur voile, avant d’être réintégrées après un compromis avec l’État sénégalais et une intervention du Vatican.
Face à la nouvelle réglementation, les responsables catholiques ont exprimé leurs préoccupations. Le Conseil national du Laïcat a dénoncé des propos « maladroits » de la part du Premier ministre, perçus comme une attaque contre les écoles catholiques privées. L’abbé Latyr Ndiaye a même évoqué une « déclaration de guerre », tandis que le président du Conseil, Philippe Abraham Birane Tine, a rappelé que l’Église catholique sénégalaise fonde son action sur la Constitution et ne saurait être considérée comme étrangère.
Le Sénégal, pays à 95 % musulman, se distingue par un modèle de laïcité qui intègre les religions dans la sphère publique et politique. L’arrêté pris par le ministre de l’Éducation vise à préserver cette harmonie en garantissant la liberté religieuse dans les établissements scolaires, tout en insistant sur l’importance de la cohésion nationale.
Un enjeu politique sous-jacent
L’adoption de cet arrêté reflète également la montée en puissance d’un discours souverainiste et religieux porté par le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko. Leur programme politique accorde une place importante à la défense de l’islam et à la souveraineté nationale. Ce nouvel arrêté peut être perçu comme un signe de cette volonté de protéger les spécificités religieuses du Sénégal face à des influences jugées étrangères.
Pour certains observateurs, la décision du gouvernement s’inscrit dans une stratégie politique visant à renforcer l’influence des courants islamiques dans la gestion de la société sénégalaise. Cependant, des voix mettent en garde contre les risques de divisions religieuses dans un contexte où le dialogue interreligieux a toujours été un pilier de la stabilité du pays.