Le Sénat rejette l’interdiction des corridas pour les moins de 16 Ans

15 novembre, 2024 / Entrevue

Le Sénat a rejeté, jeudi, une proposition de loi visant à interdire l’accès des mineurs de moins de 16 ans aux spectacles de corrida. Ce débat, marqué par des oppositions profondes entre défenseurs des traditions locales et militants pour la cause animale, a mis en lumière les sensibilités autour de la tauromachie en France.

Un rejet attendu dans une chambre conservatrice

Le texte, proposé par la sénatrice macroniste Samantha Cazebonne, avait pour objectif de protéger les enfants de scènes jugées « traumatisantes », en invoquant la nécessité de renforcer la protection de l’enfance. Cependant, dans un hémicycle clairsemé, la proposition a été largement repoussée par 237 voix contre 64. Majoritairement dominée par la droite et le centre, la « chambre des territoires » a confirmé sa position en faveur de la préservation des traditions locales, soutenue par un gouvernement également défavorable au texte.

Samantha Cazebonne a plaidé pour une prise de conscience des conséquences de ces spectacles sur le développement des mineurs : « Est-il acceptable que les enfants soient témoins de la souffrance d’un être vivant, alors que leurs valeurs de compassion et de bienveillance se construisent encore ? » Cette démarche, soutenue par des associations comme la SPA et l’Alliance anticorrida, s’inscrivait également dans les recommandations du Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU.

Pourtant, les opposants au texte y ont vu une menace directe contre la tauromachie, perçue comme un patrimoine culturel vivant dans certaines régions françaises. « Respectons nos identités, respectons notre culture et laissons aux parents le choix de transmettre ou non cette tradition ! » a déclaré Laurent Burgoa, sénateur LR du Gard. L’Union des Villes Taurines Françaises (UVTF) a salué la décision du Sénat, affirmant que ce rejet protège la transmission de la tauromachie aux jeunes générations.

Des sanctions jugées disproportionnées

L’aspect punitif du texte a également suscité des critiques. Les sanctions prévues, pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende pour les organisateurs, ont été qualifiées d’excessives. Le ministre de la Justice, Didier Migaud, a estimé que l’État ne devait pas empiéter sur l’autorité parentale, au risque de devenir « paternaliste » et de déresponsabiliser les familles.

Au-delà de la question de la protection de l’enfance, ce débat a rouvert une discussion plus large sur l’avenir de la tauromachie en France. Si la proposition ne visait qu’à limiter l’accès des mineurs, ses opposants y ont vu une tentative déguisée de restreindre progressivement cette pratique. « En interdisant l’accès aux jeunes, on vise en réalité à condamner la tauromachie à disparaître », a dénoncé Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques.

Deux ans après l’échec d’un projet d’interdiction totale porté par le député Aymeric Caron, la tauromachie reste un sujet de division en France, entre défenseurs de la tradition et militants pour la cause animale. Le rejet de ce texte illustre, une fois de plus, l’impossible consensus sur ce sujet hautement sensible.