Le retour des contrôles aux frontières allemande met à l’épreuve l’espace Schengen
Depuis le lundi 16 septembre 2024, l’Allemagne a réintroduit des contrôles à toutes ses frontières, y compris celles avec la France, dans le cadre d’une nouvelle politique visant à lutter contre l’immigration illégale. Ce durcissement de la ligne du gouvernement d’Olaf Scholz intervient alors que l’extrême droite gagne du terrain dans plusieurs scrutins régionaux récents, poussant la coalition au pouvoir à réagir.
Des contrôles ciblés et intelligents
Bien que des postes-frontières fixes n’aient pas été rétablis, la police allemande a déployé des patrouilles mobiles et stationnaires pour surveiller les flux migratoires. Ces contrôles sont menés dans des zones spécifiques, comme les trajets longue distance en bus, en train ou en tramway, où les autorités estiment que les risques sont les plus élevés.
À Kehl, ville frontalière avec la France, les policiers ont notamment effectué des contrôles sur un Flixbus reliant Strasbourg à Budapest, vérifiant les passeports des passagers. Le porte-parole de la police locale, Dieter Hutt, a précisé que ces contrôles se concentreraient sur l’immigration illégale sans perturber le trafic des travailleurs frontaliers et des marchandises.
Une décision liée à la montée de l’extrême droite allemande
Les habitants et travailleurs transfrontaliers se montrent divisés sur la réintroduction de ces contrôles. Eugénie, une riveraine de Kehl, a exprimé son mécontentement en expliquant : « Cela fait des années que nous circulons librement entre la France et l’Allemagne. Remettre une frontière entre deux pays qui font tout pour se rapprocher, c’est choquant. »
D’autres, comme Yolande, une passagère du bus contrôlé, voient cette mesure d’un bon œil : « Actuellement, on entend beaucoup parler d’insécurité, je pense que c’est nécessaire pour notre sécurité. »
Ce rétablissement des contrôles coïncide avec des élections régionales où l’extrême droite a obtenu des scores records, notamment en Saxe et en Thuringe. Ce contexte politique difficile met la pression sur le chancelier Olaf Scholz, dont la coalition est confrontée à une opinion publique de plus en plus inquiète face à la question migratoire. Cette inquiétude est amplifiée par plusieurs attaques récentes, dont un attentat au couteau à Solingen revendiqué par le groupe État islamique.
Une menace pour l’espace Schengen ?
La réintroduction des contrôles à l’intérieur de l’espace Schengen, qui garantit normalement la libre circulation des personnes, a suscité des réactions critiques. La Pologne a qualifié la décision allemande d’« inacceptable », tandis que la Commission européenne a rappelé que de telles mesures devaient rester « exceptionnelles » et « proportionnées ».
Du côté français, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, et son homologue de Kehl, Wolfram Britz, ont publié une déclaration commune pour exprimer leur inquiétude quant aux effets de ces contrôles sur la vie quotidienne des habitants de la région frontalière. « Le Rhin n’est plus une frontière, il fait partie intégrante d’un espace de vie commun », ont-ils affirmé, tout en appelant le gouvernement allemand à limiter l’impact de ces contrôles.
Les contrôles devraient durer six mois, avec une possible prolongation en fonction des résultats. Ce revirement de la politique migratoire allemande marque une rupture nette avec la culture d’accueil qui avait prévalu sous Angela Merkel lors de la crise des réfugiés en 2015-2016. Aujourd’hui, Berlin estime ne plus avoir les moyens d’accueillir de nouveaux réfugiés, une situation qui reflète l’ampleur des défis politiques et sociaux auxquels fait face le gouvernement Scholz.