Le rat est en passe de devenir la mascotte décalée de Marseille

19 octobre, 2024 / Alice Leroy avec AFP

Longtemps perçu comme un fléau urbain, le rat semble trouver une place inattendue dans l’imaginaire collectif de Marseille. Depuis peu, il devient un symbole à la mode, inspirant de plus en plus les artistes et designers locaux. Dans une ville où cohabitent les charmes méditerranéens et les défis urbains, le rat fait figure de mascotte décalée et branchée.

Le rat, une source d’inspiration artistique

À Marseille, il n’est pas rare de croiser des rats déambulant autour des poubelles à ciel ouvert, s’affairant dans les rues dès la tombée de la nuit. Ce rongeur a trouvé son chemin jusque dans les créations d’artistes locaux, qui en ont fait un emblème iconoclaste. Rhazi, gérant du magasin Brick City, a ainsi lancé la collection « Racoste », où le célèbre crocodile est remplacé par un rat stylisé. « À Marseille, les rats sortent comme les gens d’ici : à la méditerranéenne, ils se montrent et discutent ! », plaisante Rhazi. Ce clin d’œil humoristique au quotidien marseillais fait fureur auprès des clients, qui arborent des casquettes, bonnets et t-shirts à l’effigie de ce nouvel emblème.

Des rats sur les murs et dans les boutiques

Le rat est désormais omniprésent dans la ville, non seulement dans les ruelles mais aussi sur les murs. Des artistes de street art, comme Rémy Lieveloo, s’emparent de cet animal pour en faire une figure centrale de leur travail. Dans son atelier, Rémy peint des rats sur des t-shirts, symbolisant le lien indéfectible entre la ville et ces rongeurs. « Pour les touristes, c’est un souvenir de Marseille qui montre la ville telle qu’elle est, sans artifice », explique l’artiste.

Les fresques murales représentant des rats se multiplient, certains portant fièrement les couleurs de l’Olympique de Marseille. « Pour toujours, Olympien », proclame une fresque humoristique, où un rat arbore lunettes de soleil et chapeau.

Pour Alain Paris, plasticien, le rat incarne l’essence même de Marseille. Dans une série de sculptures intitulée Les Monstres, il a créé une œuvre nommée « Le Rat marseillais », qu’il décrit comme un hommage à la ville. « Le rat, c’est un peu le kakou de Marseille. Quand il arrive, tout le monde flippe, mais il a ce côté audacieux, un peu mariole », rigole l’artiste.

Un symbole qui divise

Malgré l’enthousiasme de certains pour cette transformation du rat en icône urbaine, la réalité quotidienne reste marquée par les problèmes que ces rongeurs posent. Avec environ 1,5 million de rats recensés par la municipalité, soit 1,5 à 1,7 rat par habitant, certains quartiers en sont envahis. Les rongeurs infestent des immeubles délabrés, nichent dans les boîtes aux lettres et grimpent même dans les appartements.

En 2022, l’Académie nationale de médecine alertait sur les risques sanitaires que représentent ces rongeurs, rappelant que leur prolifération constitue un danger pour la santé publique. Malgré cette menace, les artistes marseillais continuent de transformer cette réalité peu reluisante en un symbole de la résilience et de la créativité locale.

Le rat, autrefois synonyme de nuisance, est en passe de devenir un emblème décalé de la culture marseillaise. Bien qu’il incarne des défis urbains bien réels, il symbolise aussi l’esprit de la ville : audacieux, un brin provocateur, mais toujours plein de vie. Pour certains, il représente même une facette inédite de l’identité marseillaise, un mélange d’authenticité et de créativité qui fait de cette ville un lieu à part.