Le Parlement sud-coréen destitue le président Yoon Suk Yeol

Entrevue 1

Le Parlement de Corée du Sud a voté, ce samedi 14 décembre, la destitution du président Yoon Suk Yeol, marquant un épisode historique dans la vie politique du pays. Ce dernier avait tenté d’imposer la loi martiale et de museler le Parlement par l’intervention de l’armée le 3 décembre, provoquant une vive indignation.

Réunis en session, les députés ont adopté la motion de destitution avec 204 voix pour, 85 contre, 3 abstentions et 8 bulletins invalides. Pour que la motion soit validée, un minimum de 200 votes était nécessaire. L’opposition, qui détient 192 sièges, a réussi à rallier 12 membres du Parti du pouvoir au peuple (PPP), la formation du président.

Le chef de l’opposition, Park Chan-dae, a salué cette décision comme « une victoire du peuple et de la démocratie ». Il a qualifié la tentative de loi martiale de « violation claire de la Constitution et de grave infraction à la loi », décrivant Yoon Suk Yeol comme « le cerveau de cette rébellion ».

Devant l’Assemblée nationale, près de 200 000 manifestants avaient investi les lieux, réclamant la destitution du président. L’annonce du vote a provoqué des scènes de liesse. Des témoins rapportent des chants, des danses au son de la K-pop et des étreintes émues parmi les participants.

« C’est extraordinaire ce que nous avons accompli ensemble, » s’est réjouie Choi Jung-ha, une manifestante de 52 ans. Pendant ce temps, des partisans de Yoon Suk Yeol, rassemblés à Séoul, ont exprimé leur colère, brandissant des drapeaux sud-coréens et américains.

La destitution de Yoon Suk Yeol est suspendue à la validation de la Cour constitutionnelle, qui dispose de six mois pour statuer. Toutefois, la décision devra être unanime en raison du blocage politique qui a laissé trois postes de juge vacants. En attendant, le Premier ministre Han Duck-soo assure l’intérim.

Si la destitution est confirmée, une élection présidentielle anticipée devra être organisée dans un délai de 60 jours.

Un coup d’État avorté

Dans la nuit du 3 au 4 décembre, Yoon Suk Yeol avait instauré la loi martiale, une première en plus de quarante ans en Corée du Sud. Il avait ordonné aux forces spéciales de bloquer l’accès au Parlement afin d’empêcher les députés de siéger. Malgré cette tentative de coup de force, une session d’urgence avait pu être tenue et avait réclamé l’abolition de la loi martiale, contraignant constitutionnellement le président à reculer.

Yoon Suk Yeol avait justifié son acte par la volonté de « protéger la Corée du Sud des menaces communistes nord-coréennes », accusant le Parlement dominé par l’opposition de paralyser ses initiatives.

Depuis ces événements, la pression judiciaire s’est intensifiée sur l’ex-président. Accusé de « rébellion », il est interdit de quitter le territoire. Plusieurs proches collaborateurs sont visés par des enquêtes. Vendredi, le chef du commandement militaire de Séoul et des responsables de la police nationale ont été arrêtés pour des suspicions de destruction de preuves.

L’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, présenté comme un artisan de la tentative de loi martiale, avait été le premier arrêté. Il avait tenté de se suicider en détention.

Yoon Suk Yeol devient le troisième président sud-coréen à faire l’objet d’une destitution par le Parlement. En 2017, Park Geun-hye avait été déchue pour corruption, tandis que Roh Moo-hyun avait vu sa destitution invalidée par la Cour constitutionnelle en 2004.

Ce nouvel épisode souligne les tensions qui persistent au sommet de l’État sud-coréen, alors que le pays traverse une période de turbulences politiques et sociales.

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