Mark Rutte, fraîchement nommé secrétaire général de l’OTAN, s’est rendu à Kiev ce jeudi 3 octobre 2024, dans un geste symbolique fort visant à réaffirmer l’engagement de l’Alliance atlantique envers l’Ukraine, un pays en pleine guerre contre la Russie. Seulement deux jours après sa prise de fonction, l’ancien Premier ministre néerlandais a rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour discuter du soutien occidental et de la situation sur le front, où les forces ukrainiennes subissent actuellement d’importants revers.
Un soutien indéfectible de l’Ukraine
Mark Rutte s’est imposé, depuis le début de l’invasion russe en février 2022, comme l’un des soutiens les plus fervents de l’Ukraine en Europe. En tant que Premier ministre des Pays-Bas, il a été un acteur central des efforts visant à doter Kiev d’avions de combat F-16, une décision qualifiée d’« historique » par Volodymyr Zelensky lors d’un voyage aux Pays-Bas. Cette initiative, qui a largement contribué au renforcement des capacités militaires ukrainiennes, a également placé Mark Rutte dans le viseur de Moscou, qui l’a qualifié de « russophobe ».
Sous sa direction, les Pays-Bas ont signé un accord majeur portant sur deux milliards d’euros d’assistance militaire à l’Ukraine sur dix ans. Ce soutien de longue durée fait des Pays-Bas un allié clé pour Kiev, dans un contexte où les pays occidentaux s’interrogent de plus en plus sur la pérennité de leur aide à l’Ukraine, alors que la guerre entre dans sa troisième année.
L’OTAN et l’avenir de l’Ukraine
En prenant les rênes de l’OTAN, Mark Rutte a placé le soutien à l’Ukraine parmi les trois priorités de son mandat. Lors de sa première conférence de presse à Bruxelles, il a affirmé que le président russe Vladimir Poutine devait comprendre que l’OTAN ne cédera pas dans son soutien à Kiev, soulignant la volonté de l’Alliance de poursuivre son engagement malgré les défis.
Cependant, cette position ferme contraste avec les appels croissants en Occident, notamment en Europe, en faveur de l’ouverture de négociations avec Moscou. Plusieurs voix, y compris au sein de l’OTAN, expriment des inquiétudes concernant l’escalade du conflit et les coûts engendrés par l’aide militaire à l’Ukraine. Le poids de l’effort de guerre devient particulièrement lourd, d’autant plus que certains pays, dont les États-Unis et l’Allemagne, se montrent réticents à une adhésion rapide de l’Ukraine à l’Alliance. Une éventuelle adhésion de Kiev à l’OTAN, vivement souhaitée par le président Zelensky, est perçue par Moscou comme une menace directe.
Mark Rutte a cependant réitéré que la « place de l’Ukraine est dans l’OTAN », tout en reconnaissant qu’il devra arbitrer entre les ambitions ukrainiennes et les réticences de certains des 32 États membres de l’organisation. De plus, l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 pourrait bouleverser la donne. En cas de retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la politique des États-Unis, qui est actuellement le principal bailleur de fonds de Kiev, pourrait changer de manière drastique.
Une situation militaire difficile pour l’Ukraine
La visite de Mark Rutte intervient à un moment particulièrement critique pour l’Ukraine. Sur le terrain, les forces armées ukrainiennes rencontrent de sérieuses difficultés, notamment dans l’Est du pays. Le 2 octobre 2024, l’armée ukrainienne a dû se retirer de la ville de Vougledar, une position stratégique située à la jonction des fronts Est et Sud. Ce revers, qui fait suite à une bataille féroce de plus de deux ans, marque un coup dur pour la stabilité du front Est et soulève des questions sur la solidité des défenses ukrainiennes dans cette région.
La perte de Vougledar s’ajoute aux difficultés rencontrées par les forces ukrainiennes dans d’autres secteurs. Les troupes russes se rapprochent désormais de la ville de Pokrovsk, un nœud logistique crucial pour les forces de Kiev. Cette situation exacerbe les craintes d’un effondrement plus large des défenses ukrainiennes.
En réponse, l’Ukraine a mené une contre-offensive audacieuse en août 2024 dans la région russe de Koursk, capturant environ 1 000 km² de territoire russe. Il s’agit de la première occupation de terre russe par une armée ennemie depuis la Seconde Guerre mondiale. Kiev estime que cette offensive a permis de détourner les efforts de l’armée russe du nord de l’Ukraine, empêchant des attaques majeures sur cette zone. Toutefois, cet assaut n’a pas suffi à soulager significativement les troupes ukrainiennes sur le front Est.
Le dilemme occidental
Alors que la guerre se poursuit, la question de l’ampleur et de la pérennité de l’aide occidentale devient de plus en plus pressante. L’Ukraine, qui manque de recrues et d’équipements militaires, dépend fortement des livraisons d’armes occidentales, qui se font de plus en plus rares et tardives. En Occident, les débats se multiplient sur les risques d’escalade et sur l’impact économique de cette guerre prolongée.
Mark Rutte, bien que partisan d’un soutien sans faille à l’Ukraine, devra jongler avec ces interrogations grandissantes. Il a rappelé lors de sa prise de fonction qu’il appartenait au gouvernement ukrainien de décider du moment opportun pour engager des pourparlers de paix. Néanmoins, il a également souligné que l’effort de guerre devait rester la priorité : « Plus nous aidons l’Ukraine, plus tôt cette guerre prendra fin », a-t-il martelé.
La pression est donc forte sur Kiev pour obtenir des résultats militaires concrets, tandis que les appels à la paix continuent de croître en Europe et ailleurs. Le soutien occidental pourrait dépendre de l’évolution de la situation sur le terrain, des choix politiques à venir, notamment aux États-Unis, et de la capacité de l’Ukraine à renverser la tendance actuelle du conflit.
Mark Rutte, en tant que nouveau secrétaire général de l’OTAN, devra naviguer dans cet environnement complexe, en maintenant l’unité de l’Alliance tout en répondant aux besoins urgents de l’Ukraine. Le défi pour Rutte sera de faire coexister la détermination militaire avec une ouverture diplomatique, tout en s’assurant que l’OTAN reste fidèle à ses engagements de défense collective et de soutien aux démocraties.
La guerre en Ukraine entre ainsi dans une nouvelle phase, marquée par des combats intenses, des pressions internationales croissantes, et des incertitudes sur la suite du conflit. Avec l’arrivée de Mark Rutte à la tête de l’OTAN, Kiev peut espérer un soutien continu, mais la question de savoir jusqu’à quand les puissances occidentales pourront maintenir cet effort reste entière.