Le jour où Bernard Tapie résumait la stratégie du Front National de Jean-Marie Le Pen

Entrevue 1

Cet extrait date du 12 juin 1990, dans l’émission « L’Heure de vérité » (Antenne 2 puis France 2). Les paroles de Bernard Tapie prennent un peu plus de sens aujourd’hui encore. Alors au Parti Radical de Gauche (PRG), l’homme d’affaires et homme politique analysait la stratégie du Front National (FN). Il qualifiait cela de « voiture-balai ».

Avec la mort de Jean-Marie Le Pen, à l’âge de 96 ans, cette séquence est largement rediffusée sur les réseaux sociaux.

« Qu’est-ce que c’est le Front National ?« , interroge Bernard Tapie. « C’est une espèce de grosse voiture-balai. Vous savez dans le Tour de France, la voiture-balai, c’est celle qui ramasse tous ceux qui, au cours de l’étape, abandonnent, sont blessés, ne veulent plus continuer. Plus l’étape est dure, plus la voiture-balai est pleine.« 

Il poursuit : « Elle va, dans cette société française, récolter des couches de gens, dont les motifs sont très différents, voire parfois opposés, et qui vont venir construire cet espèce de millefeuilles, qui va être l’électorat de Le Pen.« 

Il précise encore sa pensée via cette métaphore encore une fois bien trouvée : « La base, la croute, ce n’est pas par hasard si je l’appelle comme ça, c’est quand même des gens qui sont fondamentalement d’extrême droite. Qui l’ont toujours été. Ils sont racistes, ils sont antisémites, ils sont fascistes.« 

Bernard Tapie élabore alors des « couches » : « Première couche qui vient se greffer sur ce fond de commerce acquis, tous ceux qui, objectivement ou subjectivement, souffrent, à tort ou à raison, ou croient souffrir de l’immigration. C’est à dire tous ceux qui à un moment donné sont confrontés à une coexistence, à un mal de vivre avec les autres. Ceux-là, Le Pen ayant pris le parti pris de défendre les Français, les petits blancs contre les immigrés, c’est un fond de commerce qui se développe, ça représente la première couche.« 

Il détaille la « deuxième couche » : « C’est une couche qui, dans une société un peu cynique, un peu difficile pour les minorités ou pour les faibles, laisse sur le bord de la route un tas de gens. Justement, la voiture-balai est là pour les ramasser. Comment on les ramasse ? Parce qu’on dit les choses, on lance des musiques qui sont agréables à entendre. C’est formidable de dire à un handicapé, ‘c’est scandaleux qu’on ne fasse pas en sorte que les handicapés ne soient pas pris en considération. C’est honteux que les chômeurs soient chômeurs’. Alors là, on ramasse et on continue, on avance.« 

Enfin, la « quatrième couche » et cinquième couche : « Ce sont ceux qui, fondamentalement, sont de droite et ne supportent pas les gens de gauche. Ils estiment que les dirigeants de la droite actuelle ne sont pas capables de battre la gauche. Alors ils viennent grossir les rangs de Le Pen. Et la dernière catégorie, ceux qui sont contre les partis, dont la femme est partie avec le voisin, dont les institutions les emmerdent, et qui disent ‘je fais un pied de nez aux partis politiques classiques et je vote Le Pen’.« 

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