Le gouvernement Barnier à l’épreuve de l’Assemblée nationale : Une majorité sous pression

Entrevue 1

Le nouveau gouvernement de Michel Barnier s’annonce fragile. Avec seulement 213 députés prêts à le soutenir, sous conditions, il se trouve en dessous de la majorité absolue de 289 sièges à l’Assemblée nationale, laissant ainsi le Premier ministre à la merci d’une motion de censure.

Barnier devra composer avec une coalition hétéroclite. Parmi ses 38 ministres, 16 de plein exercice, on retrouve un mélange de députés issus d’Ensemble pour la République (EPR), des Républicains, du MoDem, d’Horizons et quelques divers droite et gauche. Malgré ses efforts, le Premier ministre n’a pas réussi à attirer de soutien plus large, notamment à gauche.

Une majorité relative et précaire

Sur le papier, Barnier peut compter sur le soutien conditionnel de quatre groupes parlementaires : EPR, Droite républicaine (le groupe de Laurent Wauquiez), le MoDem et Horizons. Mais ces formations ne rassemblent que 213 sièges, loin des 289 nécessaires pour obtenir une majorité stable. En face, le Nouveau Front populaire (NFP) regroupe 193 députés, tandis que le Rassemblement national (RN) compte 126 sièges, menaçant directement l’équilibre fragile du gouvernement.

Ce contexte incertain place Michel Barnier dans une situation périlleuse. « Le problème sous la Ve République, c’est moins la majorité positive que la majorité négative », explique Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste. Le RN et le NFP, avec 319 voix réunies, ont largement les moyens de faire chuter le gouvernement dès qu’une occasion se présentera, notamment sur des dossiers aussi cruciaux que le budget.

Le futur gouvernement devra également surmonter les tensions internes. L’aile droite conservatrice, représentée par Bruno Retailleau, potentiel ministre de l’Intérieur, semble difficilement conciliable avec les représentants d’Ensemble, plus proches de la « start-up nation ». Cette cohabitation pourrait rendre la gestion des affaires publiques encore plus délicate.

De plus, l’instabilité au sein du groupe EPR, avec des figures telles que Gabriel Attal encore influentes et des membres du MoDem hésitant à soutenir pleinement Barnier, risque de compromettre la pérennité de cette majorité. La démission de la députée Sophie Errante, issue du Parti socialiste, témoigne de ces fissures au sein du bloc gouvernemental.

Le test du budget 2025 : une épreuve décisive

Le premier vrai test pour le gouvernement Barnier sera la présentation du budget 2025. Prévue initialement pour le 1er octobre, la présentation pourrait être repoussée au 9 octobre, un fait rare sous la Ve République. Ce retard suscite des inquiétudes, notamment du côté des oppositions, qui craignent de manquer de temps pour examiner et amender le texte.

Si Barnier souhaite marquer le budget de son empreinte en prônant la « justice fiscale », il devra naviguer entre des macronistes hostiles à toute hausse d’impôts et des forces politiques prêtes à le soutenir uniquement sous certaines conditions. Le RN et certains groupes écologistes ont déjà exprimé leur soutien à des mesures favorisant la taxation des surprofits et la baisse de la pression fiscale sur les classes moyennes.

Face à cette majorité relative et aux tensions internes, l’utilisation de l’article 49.3 semble inévitable pour faire adopter le budget. Plusieurs députés prévoient que Barnier y aura recours, notamment pour éviter un blocage systématique de l’opposition. Toutefois, cette manœuvre pourrait précipiter des motions de censure, notamment de la part du NFP et du RN, qui devront décider s’ils s’allient pour renverser le gouvernement ou non.

Michel Barnier, nommé Premier ministre en pleine tourmente politique, devra donc naviguer avec prudence et compromis s’il espère survivre à cette première épreuve parlementaire. Mais dans un climat aussi tendu, la question demeure : combien de temps son gouvernement pourra-t-il tenir ?

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