Depuis le 1er janvier 2025, la lutte contre la fraude fiscale connaît une nouvelle ère grâce à un décret élargissant les prérogatives des administrations fiscales et douanières françaises. Désormais, les agents de l’État peuvent collecter et analyser les contenus publics publiés sur des plateformes comme Facebook, Instagram, TikTok, Snapchat ou X. Cette mesure s’appuie sur l’article 154 de la loi de finances pour 2020, qui permet déjà l’exploitation de données en ligne pour détecter des manquements fiscaux, mais elle élargit considérablement le périmètre d’action initial, jusqu’alors limité aux sites de petites annonces comme Leboncoin ou Ebay. Les photos de vacances luxueuses ou les publications ostentatoires de biens matériels pourraient ainsi éveiller les soupçons des services fiscaux.
Encadrée par la CNIL, cette initiative garantit toutefois une collecte limitée aux contenus rendus publics par les utilisateurs eux-mêmes, sans possibilité pour les agents de pénétrer dans des espaces privés tels que des conversations de groupe ou des plateformes sensibles comme les applications de rencontres. De plus, les données publiées par des tiers, telles que les photos où une personne est “taguée”, ne pourront pas être utilisées. Les informations récoltées seront strictement encadrées et les métadonnées supprimées dans un délai de cinq jours pour préserver la vie privée.
Afin de traiter la masse d’informations collectées, les administrations fiscales s’appuieront sur des algorithmes d’intelligence artificielle. Ces outils, après une phase d’apprentissage machine, permettront d’identifier automatiquement les écarts significatifs entre le train de vie affiché en ligne et les déclarations fiscales officielles. Cette méthode devrait significativement améliorer l’efficacité des contrôles, qui s’étaient jusqu’alors révélés limités dans leur périmètre d’action.
L’objectif principal de cette initiative est de détecter des infractions telles que des activités occultes, des domiciliations fictives ou des dissimulations de revenus. Le fisc pourra notamment examiner des éléments comme la géolocalisation des photos, l’audience des pages ou encore l’historique d’activité des profils, afin de dresser un portrait fidèle du niveau de vie réel des contribuables. En cas de soupçon avéré, les fraudeurs potentiels seront notifiés individuellement, conformément aux règles prévues par la loi.
Ce dispositif marque une étape importante dans la digitalisation des outils de contrôle fiscal, mais il s’accompagne de nombreuses interrogations sur la frontière entre lutte contre la fraude et respect de la vie privée. Si la CNIL a validé le projet, les contribuables devront désormais être vigilants quant aux informations qu’ils partagent sur les réseaux sociaux, qui pourraient se transformer en autant de preuves potentielles aux yeux du fisc.