Le Festival Lumière de Lyon, célébrant cette année son 15e anniversaire, a mis en lumière une question brûlante dans le monde du cinéma : comment faire vivre le patrimoine cinématographique à l’ère des bouleversements sociétaux provoqués par le mouvement #MeToo ? Tandis que stars et cinéphiles se réunissent pour honorer des chefs-d’œuvre classiques, en coulisses, les débats sur les œuvres « problématiques » et leur contextualisation prennent une place centrale.
Un cinéma sous tension : contextualisation ou censure ?
Dans le cadre du Marché international du film classique, une table ronde intitulée « Comment faire vivre le cinéma classique à l’aune des changements de paradigmes sociétaux ? » a rassemblé professionnels et passionnés. La question est de taille : comment continuer à diffuser des films dont les réalisateurs ou acteurs sont accusés de violences sexuelles, ou qui contiennent des représentations aujourd’hui jugées choquantes ?
Le cas de Roman Polanski, accusé de viol depuis 1977, ou de Bernardo Bertolucci, dont le Dernier Tango à Paris a traumatisé l’actrice Maria Schneider, a été longuement discuté. Les avis divergent : certains plaident pour une simple contextualisation, via des avertissements avant la projection, tandis que d’autres prônent la non-diffusion de ces œuvres. « Il ne s’agit pas de retour au puritanisme, mais d’engager un dialogue autour des films et de leur contexte », explique Béatrice Boursier du Scare.
Un débat entre nouvelles générations et l’héritage du cinéma
La jeune génération, particulièrement sensible aux questions de genre et de représentation, remet en cause certains classiques, les trouvant parfois en décalage avec les valeurs actuelles. « Les jeunes de 20 à 25 ans sont souvent effarés par certains films », témoigne Élodie Drouard de France Télévisions. Pourtant, pour beaucoup de professionnels, la solution réside dans l’accompagnement et la contextualisation, plutôt que dans l’effacement pur et simple d’un patrimoine.
Le cinéma classique est-il encore pertinent dans une époque marquée par les revendications de #MeToo ? Cette question demeure ouverte, mais les professionnels semblent s’accorder sur une chose : le besoin de réinventer la manière dont ces films sont transmis, en les enrichissant de débats, de pédagogie, et d’une analyse critique qui ne renie pas l’œuvre, mais la place dans son contexte.
Un Festival sous les feux de la polémique
Malgré les efforts pour maintenir le cap sur la célébration du cinéma, les polémiques ne manquent pas de s’inviter au Festival. La remise du Prix Lumière à Jane Campion, fervente défenseuse de Polanski, a suscité des critiques. À l’heure où le public attend des réponses claires face aux actes des personnalités du 7e art, les festivals, les cinéastes, et les diffuseurs se retrouvent à jongler entre célébration de l’héritage cinématographique et prise en compte des revendications actuelles.
Le Festival Lumière 2024 a, ainsi, rappelé que si le cinéma est un art intemporel, il n’est pas exempt des débats sociétaux qui l’entourent. Le défi pour les années à venir : trouver le juste équilibre entre la conservation d’un patrimoine riche et la nécessité d’évoluer avec les attentes d’un nouveau public.