C’est une des histoires de tromperie les plus étonnantes de l’espionnage international. 10 ans. Dix années à croire avoir retrouvé son fils. Alors que pas du tout.
Un nouveau livre révèle l’incroyable tranche de vie d’une femme néerlandaise qui a passé une décennie avec ce qu’elle croyait être son fils perdu depuis longtemps, pour découvrir plus tard qu’il était un agent de l’ennemi.
Dans la salle d’audience de la Cour Old Bailey à Londres, une femme néerlandaise, nommée Johanna Hendrik van Harlem, espère encore avoir une fin de vie heureuse, alors même que tout ce qu’elle a vécu dans sa vie ne lui a attiré que des soucis.
Johanna lève alors les yeux vers la seule personne qui compte pour elle. Mais il regarde ailleurs. La voilà prête à témoigner contre l’homme qu’elle avait cru pendant des années être son fils perdu !
Selon le « Telegraaf », l’histoire de Johanna avec Erwin van Harlem fait partie des histoires de tromperie les plus étonnantes de l’histoire de l’espionnage international, révélant comment un agent soviétique formé avec soin l’a trompée au point qu’elle a cru pendant une décennie qu’il était son véritable fils.
Le début : Une rencontre après une longue séparation
L’histoire commence en 1940, lorsque Johanna était une jeune fille à La Haye vivant sous l’occupation nazie. Elle a été violée par un soldat allemand et a donné naissance à un enfant qu’elle nomma Erwin. Mais son père, collaborateur des nazis, refusa d’accepter l’enfant dans la maison, ce qui la força à le laisser dans un orphelinat en Tchécoslovaquie.
Plus de 32 ans plus tard, Johanna reçut un appel de la Croix-Rouge lui annonçant qu’ils avaient retrouvé Erwin à Londres. Ce fut le moment qu’elle attendait de toute sa vie. Elle se rendit immédiatement pour le rencontrer. Ils commencent alors à faire connaissance, à se rapprocher et à (re)devenir une famille. Il lui rend visite aux Pays-Bas et l’emmène en voyage à Londres. Elle vit dans un bonheur illusoire, convaincue qu’elle a retrouvé son fils perdu.
La vérité amère : L’espion soviétique
La réalité est bien plus cruelle. Le Erwin qu’elle connaissait n’est autre que Vatslav Yelinek, un agent soviétique formé sous le nom de code Gragert. Il a reçu l’identité d’Erwin dans le cadre de sa légende personnelle, l’histoire utilisée par les espions pour dissimuler leurs véritables identités.
Au cours des 10 années suivantes, Yelinek parvient à infiltrer des réunions sensibles au sein de la Chambre des communes britannique, et même à assister à une conférence à Washington où l’invité d’honneur était l’ancien président américain Ronald Reagan.
Le procès : La vérité dévoilée
En mars 1989, Johanna se tient dans le box des témoins pour témoigner contre Yelinek au tribunal d’Old Bailey. Elle raconte l’histoire de sa vie, remplie de douleur et de tromperies, tandis que Yelinek, assis dans le box des accusés, reste froid et détaché. Comme s’il ne se souciait pas de ce qui se passait.
Le procureur, Roy Amlot, tente de raviver ses souvenirs douloureux, mais elle se doute alors que tout ce qu’elle a vécu fait partie d’un grand mensonge.
Lorsqu’on lui demande quelle était sa relation avec l’accusé, Johanna raconte son histoire : l’agression qu’elle avait subie, la naissance de son fils, et son abandon dans un orphelinat, puis la rencontre qu’elle croyait être un miracle. Mais la réalité est cynique : Yelinek l’a utilisée pour renforcer sa légende d’espion, tout en récoltant des informations sensibles pour l’Union soviétique.
La fin : L’effondrement de l’illusion
Lorsque la police britannique de Scotland Yard la contacte en avril 1988 pour l’informer de l’arrestation d’Erwin, l’univers de Johanna s’effondre à nouveau. Elle tente de le joindre. Mais elle découvre qu’il envoie des messages codés à ses supérieurs derrière le rideau de fer. Après un test ADN, tout se confirme : ce n’est pas son fils.
Dans la prison de Brixton, où Yelinek est détenu, Johanna lui demande, le cœur brisé : « Me direz-vous la vérité ? Es-tu vraiment mon fils… ou as-tu volé son identité à l’orphelinat ? » Mais son regard froid et dépourvu de toute émotion suffit à donner la réponse. Il n’y avait plus d’amour ni de culpabilité, seulement un long mensonge.
Une difficile leçon
L’histoire de Johanna et Vatslav demeure l’une des plus étonnantes de l’histoire de l’espionnage car elle montre jusqu’où peut aller la tromperie, même dans les relations les plus intimes. Peut-on encore faire confiance ? Pour Johanna, c’est une terrible leçon de vie. Un coeur brisé, à jamais.