François Bayrou, Premier ministre fraîchement nommé, s’apprête à prononcer son discours de politique générale devant le Parlement le 14 janvier prochain. Cet événement crucial marquera une étape décisive pour un gouvernement à l’équilibre précaire et sous la menace constante d’une motion de censure. Si l’épreuve s’annonce périlleuse, elle sera aussi l’occasion pour Bayrou de démontrer sa capacité à réunir les forces politiques autour d’un programme concret et ambitieux. Mais à quel prix, et avec quelles garanties pour les Français?
Une « méthode collective » sous pression
Le Premier ministre présente son approche comme étant « horizontale, concrète et collective ». Des mots rassurants, mais qui peinent à convaincre dans un paysage politique fragmenté où les clivages sont profonds. Bayrou a déjà entamé des consultations intensives avec les partenaires sociaux et les élus locaux, tandis que ses ministres multiplient les rendez-vous avec les partis politiques sur des sujets clés comme le projet de loi de finances (PLF) et celui sur le financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Mais cette approche participative ne suffira pas à masquer les tensions latentes. L’absence notable d’Emmanuel Macron dans ces discussions préliminaires pourrait refléter une tentative de prendre de la distance avec un président devenu impopulaire. Reste à savoir si Bayrou pourra transformer ces concertations en résultats tangibles.
Au cœur de ce discours figureront les orientations budgétaires pour 2025, un sujet épineux qui avait coûté sa place à son prédécesseur, Michel Barnier. François Bayrou semble déterminé à marquer sa différence en évitant des hausses d’impôts pour les classes moyennes et en préservant des budgets qu’il qualifie de « sacralisés », notamment pour la Défense, l’ordre public, la justice, l’éducation et l’écologie. Toutefois, la stratégie repose aussi sur des mesures controversées comme la taxe sur les rachats d’actions et une contribution exceptionnelle des grandes entreprises et des plus fortunés.
Si ces initiatives pourraient séduire une partie de la gauche, elles risquent de braquer la droite et les milieux économiques. L’annulation envisagée de la suppression de 4 000 postes de fonctionnaires envoie un signal clair à la gauche, mais risque de renforcer le scepticisme des patriotes face à une gestion jugée parfois trop laxiste des deniers publics.
Autre thème potentiellement incendiaire : l’immigration. La proposition d’une évolution du droit du sol à Mayotte, initiée par le Rassemblement national, pourrait être étendue à l’ensemble du territoire. Si cette idée traduit une volonté de répondre à une préoccupation majeure des Français, elle suscite déjà une levée de boucliers à gauche et pourrait déclencher de vifs débats à l’Assemblée. Bayrou devra trancher avec prudence s’il souhaite éviter de transformer son discours en champ de bataille.
Une motion de censure imminente ?
Malgré ses efforts, le Premier ministre sait qu’il ne pourra éviter la menace d’une motion de censure. La France Insoumise prévoit déjà d’en déposer une le 16 janvier, et d’autres partis, comme le Parti socialiste ou le Rassemblement national, restent en embuscade. Bayrou semble parier sur des concessions envers la gauche écologiste et socialiste pour limiter les dégâts, mais ce calcul pourrait s’avérer risqué face à un Parlement qui demeure imprévisible.
François Bayrou joue gros avec ce discours de politique générale. S’il parvient à naviguer entre les écueils et à présenter une vision claire pour la France, il pourrait renforcer sa position à Matignon. Mais les Français, lassés des promesses creuses et des échappatoires politiciennes, attendent avant tout des actes. Sans majorité absolue et avec une opposition en embuscade, le chemin s’annonce escarpé. Bayrou pourra-t-il déjouer les pronostics et rétablir la confiance dans un État souvent jugé défaillant? Le 14 janvier nous en dira plus, mais les doutes restent légitimes.