Le coup de gueule d’André Rougé (RN) et Bartolomé Lenoir (UDR) sur le Mercosur 

26 novembre, 2024 / Marie Falicon

« Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France. » se félicitait le Duc de Sully, alors ministre d’Henri IV il y a 400 ans. Si près d’un français sur 2 travaillait dans les champs il y a encore 1 siècle, ils ne sont plus que 496 000 selon les chiffres du dernier recensement agricole de 2020. Que se passe-t-il en France, première puissance agricole européenne et historiquement rurale ?

Deux parlementaires ont répondu à nos questions, André Rougé (RN) et Bartolomé Lenoir (UDR). Entretien croisé.

Un accord dévastateur pour nos agriculteurs 

A la demande du gouvernement, un débat et un vote sur le Mercosur sont attendus cet après-midi à l’Assemblée nationale. Cet accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats du Mercosur –Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie– est pour beaucoup jugé dévastateur. 

« C’est un couteau planté dans le dos de nos agriculteurs. En l’absence de clauses miroirs, nous importons des produits sud-américains qui ne respectent pas les normes fixées pour nos propres producteurs. La viande brésilienne par exemple ne respecte pas nos normes puisque les hormones et les pesticides sont interdits dans l’Union européenne. Par ailleurs, le Mercosur profitera de l’exportation de ses produits agricoles et de la pêche, c’est-à-dire de la destruction de pans entiers de notre agriculture et de notre économie littorale. » explique le député européen du Rassemblement national, André Rougé. 

« Je remarque un changement avec le Mercosur. Les Français ont tout à fait conscience aujourd’hui du danger que représentent ces accords de libre-échange. Les Creusois, dans ma circonscription, sont attachés à notre identité et donc à la qualité de la viande, qui serait affaiblie par le Mercosur. » précise Bartolomé Lenoir, député UDR de la Creuse. 

A quoi bon un débat si tout est déjà joué à échelle européenne ?

De Emmanuel Macron à Marine Le Pen en passant par la ministre LR de l’agriculture ou la France Insoumise, tous se sont exprimés contre ce nouvel accord de libre-échange. Mais malgré le consensus inédit en défaveur du Mercosur dans la classe politique française, l’Europe ne reculera probablement pas.

« Toute la question est là : le vote du jour est non contraignant et ne mettra pas fin aux négociations au niveau européen. C’est certes une bonne chose que le gouvernement ait inscrit ce débat à l’ordre du jour, mais à quoi bon s’ils ne tiennent pas compte de notre opposition ? » s’interroge Bartolomé Lenoir.

« Emmanuel Macron et Michel Barnier sont européistes convaincus, permettez-moi de douter d’un bras de fer avec la Commission européenne. C’est elle qui a la compétence exclusive pour négocier des accords commerciaux avec des pays tiers et Ursula Von der Leyen est déterminée à faire de cet accord le grand œuvre de son second mandat. » 

Si le vote sur le Mercosur n’est pas encore fait et que la France peut encore porter sa voix devant les instances européennes, le texte risque d’être voté à majorité qualifiée, autrement dit sans possibilité d’un veto français. Pour constituer une minorité de blocage, il faudrait 4 pays représentant 35% de la population de l’UE.

L’agriculture française sacrifiée pour l’industrie allemande 

Derrière les traités de libre-échange se cache un grand gagnant : l’industrie européenne… ou plutôt allemande. 

« Ce projet d’accord de libre-échange avec les pays d’Amérique du Sud est emblématique des dérives de l’Union européenne, d’une Europe fédérale qui brime notre souveraineté nationale. Il a été négocié dans la plus grande opacité, sans consultation. Pour favoriser l’industrie chimique, pharmaceutique et surtout automobile exportée sur le continent sud-américain, nous devons accepter l’importation de leurs produits agricoles. Il faut exclure l’agriculture des traités de libre échange ! » explique l’eurodéputé. 

Derrière la survie des agriculteurs, un enjeu de civilisation 

Pour André Rougé, la révolte des agriculteurs est légitime : elle traduit la volonté de toute une profession de se battre pour sa survie. 

« Nos agriculteurs ont contribué à forger nos paysages, notre mode de vie, les défendre est un enjeu de civilisation. Toute une frange de la population française est issue du monde rural où nous puisons nos racines. 

Or, le salaire médian des agriculteurs est de 1500 euros et, en parallèle, comptez 2400 tentatives de suicide par an, selon les chiffres de la Mutualité sociale agricole. Nos agriculteurs ne parviennent plus à vivre de leur travail. Voilà les conséquences mortifères de la politique agricole de l’Union européenne sur la vie de nos agriculteurs, et le Mercosur ne fera qu’empirer les choses ! »

Pour Bartolomé Lenoir aussi, l’heure est au sursaut : 

« Entre les pressions normatives et administratives, nos agriculteurs doivent être écoutés. C’est aujourd’hui le rôle premier des députés, les écouter et les soutenir. Ce que tous les agriculteurs me disent sur le terrain c’est que ça fait trente ans qu’ils parlent pacifiquement et que personne ne les écoute. Et effectivement, s’est construit une Europe sans l’accord et les solutions des agriculteurs eux-mêmes. »

Face à la crise démographique, la question du renouvellement des générations se pose dans tous les domaines et l’agriculture n’est pas épargnée. De surcroît en souffrance par manque de soutien et de moyens, pour 3 agriculteurs qui partent à la retraite on compte désormais tout juste un jeune pour prendre la relève. Le débat sur le Mercosur nous rappelle que si rien ne change, la France signera l’arrêt de mort de toute sa filière agricole.