Une éclipse solaire partielle sera visible en France aux alentours de midi ce samedi 29 mars. Le phénomène restera modeste : à peine 15 % du Soleil seront occultés dans le Sud-Est, et jusqu’à 33 % dans l’Ouest. Pourtant, à l’autre bout du globe, certains observateurs pourraient être les témoins furtifs d’un spectacle céleste rare, presque irréel : l’apparition des « Cornes du diable ».
Ce phénomène ne doit rien au surnaturel, mais tout à une parfaite coïncidence entre la mécanique céleste et l’atmosphère terrestre. Il se produit lorsque le Soleil, déjà partiellement éclipsé par la Lune, est en train de se lever ou de se coucher. À cet instant très précis, si l’horizon – ou parfois des obstacles comme un bâtiment ou des nuages – masque la partie inférieure du disque solaire, ne subsistent dans le ciel que deux croissants lumineux, semblables à des cornes rouges dressées. L’effet est saisissant, presque dérangeant, comme un clin d’œil d’un monde ancien où l’on voyait des présages dans les astres.
Cette lueur rouge, ce n’est pas un artifice : c’est la couleur naturelle du Soleil à l’horizon. Lorsque ses rayons rasent l’atmosphère, les couches d’air filtrent les longueurs d’onde courtes – le bleu, le vert – et ne laissent passer que les teintes les plus chaudes. Le Soleil devient alors une braise, et ses fragments éclipsés, des flammes.
Mais ce spectacle est d’une brièveté cruelle. Là où une éclipse peut durer plus d’une heure, les « cornes » ne brillent que quelques secondes. Le moment exact est imprévisible. Il faut que tout s’aligne : l’heure, l’endroit, l’atmosphère, la clarté du ciel. Une hésitation, et la magie est déjà passée.
En France, on ne verra pas ces cornes ce samedi-là. Mais au Canada, là où l’éclipse débutera dès le lever du Soleil, certains passionnés pourraient avoir cette chance. À condition d’être là, au bon endroit, au bon moment, yeux protégés et appareils préparés. Car il ne faut jamais observer une éclipse à l’œil nu. Même voilé, le Soleil brûle. Il aveugle. Il fond les capteurs. Seuls les filtres adaptés, capables de bloquer 99,999 % de la lumière, permettent d’approcher ce feu céleste sans se consumer.
Le 29 mars, donc, le spectacle sera partiel, discret, mais pour quelques-uns, peut-être, ce sera l’instant suspendu où deux croissants rouges surgiront à l’horizon. Un phénomène rare, brutal, silencieux. Les anciens y voyaient la colère du ciel. Nous y voyons aujourd’hui un miracle d’optique, fugace et fascinant.