Dans sa dernière chronique pour Le Point, publiée le 30 septembre 2024, Kamel Daoud livre une critique acérée de l’évolution de l’extrême gauche française. L’écrivain et journaliste dénonce ce qu’il perçoit comme une trahison des valeurs historiques du mouvement, qui aurait abandonné la figure de l’ouvrier au profit d’un nouveau prolétariat, incarné par les musulmans de France, sous l’influence de l’islamisme.
Une gauche en quête de nouvelles recrues
Kamel Daoud ne mâche pas ses mots : face à la disparition des ouvriers comme force motrice de la révolution, l’extrême gauche française aurait détourné son regard vers les mosquées. Ce glissement, décrit comme un « concubinage malsain », symbolise selon lui une abdication des idéaux marxistes traditionnels au profit d’une alliance avec l’islamisme, perçu comme la nouvelle force subversive. Jean-Luc Mélenchon, figure de proue des Insoumis, aurait bien compris ce mécanisme en ralliant à sa cause les jeunes musulmans au nom de la lutte contre l’islamophobie et pour la cause palestinienne.
L’échec d’une union improbable
Pour Daoud, ce rapprochement est voué à l’échec. Il souligne la contradiction profonde entre l’ouvrier, qui lutte pour la fin du mois, et l’islamiste, qui œuvre pour la fin du monde. La gauche française tenterait d’unir deux traditions irréconciliables, aboutissant à une confusion idéologique et à un malaise profond au sein de ses rangs. Cette gauche, selon lui, titube entre deux mondes et s’enlise dans une relation toxique, oscillant entre le désaveu et la soumission.
Cette dynamique ne serait pas propre à la France. Kamel Daoud élargit son analyse au monde arabe, où la gauche, en perte de militants, se serait elle aussi tournée vers l’islamisme, autrefois son ennemi idéologique. L’auteur décrit une gauche arabe fascinée par la virilité perçue de cette nouvelle force et en quête de rédemption face à son échec historique.
Marx est mort, vive le cheikh ?
Le constat final est amer. Marx, figure tutélaire de la gauche révolutionnaire, serait désormais remplacé par le cheikh dans une ère où les usines sont en Chine et les mosquées en France. Ce glissement, loin d’être anodin, reflète un abandon des idéaux révolutionnaires pour une quête de puissance symbolisée par le retour à la religion. Pour Kamel Daoud, la gauche extrême s’est perdue dans cette quête identitaire et confessionnelle, abandonnant sa vocation première qui était celle de défendre les opprimés dans les usines, et non de s’allier avec des prédicateurs religieux.
En conclusion, la chronique de Kamel Daoud soulève des questions cruciales sur l’avenir de la gauche extrême en France, déchirée entre un passé ouvrier glorieux et une nouvelle alliance idéologique contestée. Cette analyse percutante met en lumière une crise identitaire profonde qui, selon l’auteur, ne fera que des perdants.