Le président argentin Javier Milei, en déplacement à Rome pour rencontrer la Première ministre italienne Giorgia Meloni et participer à un festival organisé par le parti au pouvoir, Fratelli d’Italia, a obtenu la nationalité italienne dans des délais records. Une décision qui a déclenché une levée de boucliers parmi les partis d’opposition et les associations de défense des droits humains en Italie.
Une naturalisation accélérée grâce au droit du sang
Javier Milei et sa sœur Karina, également sa conseillère politique, ont obtenu la nationalité italienne en vertu de la loi de 1992, qui repose sur le droit du sang (jus sanguinis). Ce dispositif accorde la nationalité italienne aux descendants de citoyens italiens, quels que soient leur lieu de naissance ou leur résidence actuelle. Les grands-parents des Milei étaient originaires de Calabre, un critère suffisant pour leur permettre de déposer une demande.
Selon l’agence de presse ANSA, les démarches des Milei auraient bénéficié d’un traitement prioritaire, suscitant l’indignation de l’opposition. Riccardo Magi, député du parti centriste +Europa, a dénoncé ce « privilège injuste », soulignant que des milliers de descendants d’Italiens résidant à l’étranger doivent attendre des années pour obtenir leur citoyenneté.
L’opposition italienne n’a pas tardé à s’emparer de cette affaire pour relancer le débat sur l’injustice de la loi actuelle. Si le droit du sang permet à des personnalités comme Javier Milei d’accéder rapidement à la nationalité italienne sans avoir jamais vécu dans le pays, les enfants nés en Italie de parents étrangers doivent attendre leur majorité pour déposer une demande. De plus, les étrangers résidant dans le pays doivent justifier d’une présence continue de dix ans avant de pouvoir prétendre à la naturalisation.
Pour Riccardo Magi, ce système est une « insulte » à tous les jeunes nés et élevés en Italie, qui travaillent, paient des impôts et contribuent à la société italienne, mais se heurtent à des obstacles administratifs. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, il a dénoncé une « discrimination intolérable », ironisant sur la célèbre tronçonneuse brandie par Javier Milei lors de sa campagne présidentielle : « Peut-être faudrait-il une tronçonneuse pour couper à travers cette loi injuste. »
Les partis de gauche et les organisations comme Oxfam militent pour une réforme de la loi de 1992, notamment en réduisant de dix à cinq ans la période minimale de résidence requise pour les étrangers, comme c’est le cas en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Ils plaident également pour l’introduction du droit du sol (jus soli), qui faciliterait l’accès à la citoyenneté pour les quelque 800 000 enfants nés en Italie de parents immigrés.
Cependant, Giorgia Meloni et sa coalition de droite s’opposent fermement à tout assouplissement des règles. La Première ministre, qui partage des affinités idéologiques avec Javier Milei, considère que la nationalité italienne doit rester un privilège réservé aux descendants de citoyens italiens et non un droit accordé en fonction du lieu de naissance.
Un débat qui dépasse la nationalité
La rapidité de la procédure de naturalisation de Javier Milei alimente les soupçons d’une intervention directe de Giorgia Meloni. Les deux dirigeants, qui se sont rapprochés ces derniers mois, partagent des visions ultraconservatrices et libérales en matière économique. Meloni avait même effectué un déplacement en Argentine fin novembre pour rencontrer Milei, saluant leur « combat commun pour la liberté et la défense des valeurs occidentales ».
Lors de cette visite à Rome, Milei a offert à Meloni une statuette le représentant brandissant une tronçonneuse, en hommage à son geste devenu emblématique de sa promesse de « tronçonner » les dépenses publiques en Argentine.
Au-delà du cas Milei, cette affaire met en lumière les profondes inégalités du système de naturalisation italien et le refus de la coalition au pouvoir d’engager une réforme. Alors que l’extrême droite italienne revendique un contrôle accru de l’immigration et une stricte application du droit du sang, l’opposition espère relancer le débat sur la citoyenneté pour les enfants nés en Italie, symboles d’une société de plus en plus multiculturelle.
Cette controverse pourrait bien alimenter les tensions sur un sujet devenu central dans le débat politique italien : qui a le droit d’être Italien, et à quel prix ?