La menace d’une motion de censure : un impact limité sur les marchés, mais une vigilance persistante

21 novembre, 2024 / Entrevue

Alors que Marine Le Pen, cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN), a annoncé qu’une motion de censure pourrait être déposée d’ici Noël, les marchés financiers restent pour l’instant insensibles à ces tensions politiques. Cependant, le spectre d’une instabilité prolongée continue d’inquiéter certains observateurs.

Une ligne rouge sur le pouvoir d’achat

Marine Le Pen a affirmé sur RTL que son parti s’opposerait fermement à toute mesure affectant davantage le pouvoir d’achat des Français. Si cette « ligne rouge » est franchie, le RN soutiendrait une motion de censure en réponse à l’utilisation attendue de l’article 49.3 par le gouvernement pour adopter le budget de l’État. Ce vote pourrait intervenir dès la seconde quinzaine de décembre.

Un tel scénario entraînerait, en cas de succès, la chute du gouvernement dirigé par Michel Barnier et le rejet du projet de budget. Une situation qui ouvrirait une période d’incertitude politique, susceptible de nourrir une volatilité accrue sur les marchés financiers.

Malgré cette menace, les indices boursiers et les taux d’intérêt français n’ont pour l’instant montré aucune réaction notable. Andrea Tueni, responsable des marchés chez Saxo Banque France, explique que ce statu quo politique – marqué par l’absence d’une majorité à l’Assemblée nationale – rassure paradoxalement les investisseurs, car il limite la probabilité de réformes impopulaires.

Toutefois, un vote en décembre pourrait aggraver les fluctuations habituelles des marchés en fin d’année, période où les volumes d’échange sont historiquement faibles. Une baisse modérée de 1 % pourrait alors se transformer en chute de 3 à 4 %, selon Tueni, avec un éventuel rebond ou ajustement en janvier.

Un contexte de fragilité post-dissolution

L’actuelle stabilité des marchés survient après une période difficile, marquée par la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin dernier. Cette annonce avait entraîné une correction brutale, le CAC 40 effaçant l’ensemble des gains accumulés depuis le début de l’année. À ce jour, l’indice phare parisien reste en retrait de 4,5 %, contre des performances nettement meilleures pour le DAX allemand (+13 %) et le FTSE 100 britannique (+4,5 %).

Sur le marché obligataire, l’écart entre les taux d’emprunt français et allemands, souvent vu comme un baromètre de confiance, a atteint un pic à 0,81 point en juin avant de retomber à 0,75 point. Cependant, cet indicateur reflète désormais des dynamiques plus complexes, notamment le ralentissement économique de l’Allemagne.

Christopher Dembik, analyste chez Pictet AM, évoque un scénario de « déclassement » plutôt que de crise pour la dette souveraine française. La France, autrefois un pilier financier européen, est progressivement devancée par des pays comme l’Allemagne, le Portugal ou l’Espagne en termes de confiance des investisseurs.

Cette tendance est corroborée par les agences de notation. Si Moody’s et Fitch ont maintenu en octobre leur évaluation de la dette française, elles l’ont accompagnée de perspectives négatives, suggérant une possible dégradation future. L’agence S&P, qui avait déjà abaissé la note de la France en mai dernier, doit publier son nouveau verdict le 29 novembre.

Alors que la France fait face à des défis budgétaires et politiques croissants, l’issue de cette période d’incertitude reste incertaine. Si les marchés semblent momentanément résilients, une détérioration politique ou une dégradation par les agences de notation pourrait raviver les craintes, affectant à la fois les coûts d’emprunt du pays et sa place sur l’échiquier financier européen.