La question de la taxation des plus riches revient au cœur du débat fiscal en France, relancée notamment par le programme du Nouveau Front Populaire (NFP). Cependant, une étude de Terra Nova, think tank de gauche, nuance les espoirs d’un redressement budgétaire par ce seul biais. Guillaume Hannezo, professeur associé à l’École normale supérieure, et Fipaddict, un enseignant en finances publiques sous pseudonyme, estiment que si des mesures visant le « 1 % » et le « 0,1 % » des plus aisés sont possibles, leur rendement resterait limité à environ 15 milliards d’euros par an. Une somme qui ne suffira pas à combler le trou budgétaire estimé à 100 milliards d’euros, nécessaire pour stabiliser la dette publique.
Les auteurs rappellent que la France a déjà tenté des réformes fiscales visant les plus fortunés, avec des résultats souvent décevants. La fameuse taxe à 75 %, qui devait marquer un tournant, n’a finalement rapporté que 500 millions d’euros avant d’être abandonnée. Ils soulignent également que les décisions fiscales mal calibrées peuvent entraîner des contentieux coûteux pour l’État, comme cela a été le cas avec la taxe de 3 % sur les dividendes, annulée par la justice européenne.
Un paradis fiscal méconnu pour les très riches
Terra Nova met en lumière une réalité méconnue : la France est un véritable paradis fiscal pour les plus fortunés. Grâce à l’effacement des plus-values latentes lors des successions, ces derniers peuvent accumuler des richesses sans les voir imposées avant leur transmission. Ce mécanisme, que l’on ne retrouve pas dans tous les pays européens, permet aux patrimoines les plus élevés de se transmettre avec une taxation effective bien inférieure à celle prévue par la loi. Par exemple, les plus grosses successions en France ne sont en réalité taxées qu’à un taux effectif de 10 % grâce aux multiples niches fiscales.
Les auteurs estiment que des marges de manœuvre existent pour renforcer la fiscalité des plus riches sans risquer une fuite massive des talents et des centres de décision hors de France. Parmi les propositions, la fin de l’effacement des plus-values latentes lors des successions pourrait rapporter jusqu’à 4 milliards d’euros. De même, un retour de l’ISF, mais avec un taux très bas (0,3 %), incluant cette fois-ci le patrimoine professionnel, pourrait rapporter environ 4 milliards d’euros supplémentaires.
Ils soulignent également la nécessité de revoir certaines niches fiscales, telles que les exonérations sur les assurances-vie et les pactes Dutreil, qui permettent aux plus fortunés de réduire significativement leur charge fiscale. Une révision de ces dispositifs pourrait rapporter jusqu’à 3 milliards d’euros.
Le programme du NFP, un projet irréaliste ?
En revanche, les auteurs pointent du doigt les propositions du NFP, jugées juridiquement inapplicables ou économiquement dangereuses. Le plafonnement des héritages ou la création de tranches d’imposition à 90 % pour les plus hauts revenus sont qualifiés de confiscatoires et seraient vraisemblablement rejetés par le Conseil constitutionnel. De plus, ces mesures risqueraient d’inciter les grandes fortunes à se délocaliser, entraînant ainsi une fuite des capitaux et des talents.
Pour Terra Nova, taxer les plus riches est une étape nécessaire mais insuffisante pour redresser les comptes publics. Le rendement de ces mesures, limité à environ 15 milliards d’euros, ne comblera pas les besoins estimés de 100 milliards d’euros pour stabiliser la dette. Il faudra donc envisager d’autres leviers, notamment des économies sur les dépenses publiques et une réforme plus globale de la fiscalité.
Cette étude remet en perspective l’impact de la taxation des plus fortunés sur les finances publiques françaises. Si des mesures ciblées peuvent rapporter quelques milliards d’euros, elles ne suffiront pas à combler le déficit. Une stratégie plus large, alliant justice fiscale et réduction des dépenses, s’impose pour assurer la stabilité financière du pays tout en évitant de dégrader son attractivité internationale.